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Economie sociale et solidaire : interview de Nicolas Froissard

02.01.2017 Rencontres FSE

Il a fallu gagner la confiance, convaincre l’ensemble des acteurs publics et privés, prouver qu’économie, social et solidarité pouvaient vivre ensemble. Mieux, pouvaient proposer une alternative performante, compétitive et durable. Sa structuration atypique - un groupement associatif unique en France - et son modèle de gouvernance - associative et participative - font du groupe SOS un modèle du genre. De ceux que l’on observe à la loupe pour tirer des conclusions, reproduire le modèle ou promouvoir le principe.

Avec 5 cœurs de métier (solidarité, santé, seniors, jeunesse et emploi), le groupe SOS promeut à la fois un autre modèle économique et un autre modèle de gouvernance. Avec un dénominateur commun à la diversité de ses activités : l’innovation sociale. Ou comment répondre à des besoins sociaux et sociétaux parfois délaissés, tout en faisant preuve d’une réelle efficacité économique. À travers l’exemple du groupe SOS dont il est le Vice-Président, Nicolas Froissard détaille pourquoi l’économie sociale et solidaire a toute sa place dans notre économie.

Dans « économie sociale et solidaire », on entend déjà « économie ». En quoi proposez-vous une alternative ?

Nicolas Froissard : L’économie sociale et solidaire a effectivement pour ambition, non pas de devenir l’économie, mais de proposer une économie alternative. Cela signifie qu’elle cohabite avec d’autres modèles. Nous ne sommes pas dans une approche manichéenne. En ce sens, nous ne voyons pas deux économies distinctes mais des façons de faire de l’économie différentes. L’économie sociale et solidaire fait pleinement partie de l’économie ; nos concurrents sont des entreprises lucratives.

Pour aller plus loin Le poids de l'économie sociale et solidaire en Europe L’économie sociale et solidaire (ESS) : un pari pour l’avenir de l’Union européenne

Quels sont les principes de cette « économie autrement » ?

N.F. : La dimension sociale est essentielle. Sur deux plans complémentaires : les sujets sur lesquels nous intervenons puisque nos activités concernent la solidarité, la santé, l’éducation, l’emploi, le soutien aux personnes en situation de précarité. Et notre façon de le faire ; nous avons une gouvernance associative. Le fruit de nos résultats économiques n’est pas reversé à des actionnaires. C’est une nuance qui change considérablement l’approche. Le « social et solidaire » concerne donc à la fois les thématiques sur lesquels nous intervenons et nos modalités de fonctionnement.

“ L’économie sociale et solidaire promeut une innovation sociale mais aussi environnementale et démocratique. ” Nicolas FroissardVice-Président du groupe SOS

En quoi pensez-vous que l’économie sociale et solidaire peut proposer une performance supérieure ?

N.F. : L’absence d’actionnaires nous permet vraiment de nous concentrer sur notre mission d’intérêt général. Dans certains contextes, cela peut faire la différence. Je prends l’exemple malheureux de la canicule de 2003. Nous nous imposons bien sûr des impératifs de rentabilité financière mais nos arbitrages sont différents ; cela a des conséquences sur la qualité des prestations de services à la personne. Encore une fois, il ne s’agit pas de condamner les entreprises au fonctionnement plus classique. Mais de souligner que dans notre cas, l’intégralité de l’action du collectif est tournée vers le bénéfice à l’usager. C’est ce qui fait la force et la compétitive supérieures de l’économie sociale et solidaire.

Dans ce domaine, il vous a fallu faire vos preuves. Il n’allait pas nécessairement de soi que le modèle associatif pouvait être performant ?

N.F. : Effectivement, il y avait des freins historiques. En France, l’idée du « small is beautiful » est encore très installée. Grossir peut être perçu comme une altération de la proximité et de la qualité. Nous prouvons avec le groupe SOS, qui regroupe plusieurs associations, petites et grandes, soit 15 000 salariés au total, que l’on peut à la fois être agiles, souples, et efficaces, performants, compétitifs. Dans un monde concurrentiel, où les fonds publics baissent, il faut être imaginatif et ne pas hésiter à mettre ses forces en commun. Le modèle associatif a déjà démontré sa capacité à innover et à montrer la voie. L’économie sociale et solidaire représente 10 % de la population active en France. Nous sommes heureux aujourd’hui que la réussite du Groupe crédibilise tout un secteur. Un secteur qui a besoin de soutien.

En quoi l’économie sociale et solidaire vous semble être un modèle d’avenir ?

N.F. : L’économie sociale et solidaire, comme d’autres modèles qui ouvrent de nouvelles voies et proposent des alternatives de fonctionnement, illustre la nécessité de prendre conscience de l’impact de son action sur le monde. Elle permet à ceux qui le souhaitent de prendre leur responsabilité, de faire leur part, dans une approche globale qui ne les oblige pas à choisir entre engagement et rémunération, travail et sens. Moins pressurisés que dans des systèmes à but lucratif, nos salariés sont plus performants, naturellement. Ils trouvent d’autre part un vrai sens à leur activité professionnelle, en découvrant qu’il est possible de travailler au quotidien d’une autre façon. L’économie sociale et solidaire promeut une innovation sociale mais aussi environnementale et démocratique. L’objectif supérieur est de parvenir à faire évoluer les mentalités. L’avenir repose sur la responsabilité individuelle.

Comment vous situez-vous vis-à-vis de l’action de l’État ?

N.F. : L’État et les collectivités ne peuvent pas tout faire. Ils ont besoin de se recentrer et pour cela, d’être entourés d’alliés de qualité. Le modèle de l’économie sociale et solidaire est celui de l’hybridation. Nous prenons ce qu’il y a de meilleur dans les autres modèles ; le sens de l’intérêt général d’une part, les méthodes de gestion de l’autre, par exemple. Cela crée une contamination positive croisée porteuse. Notre action est donc un relai de celle de l’État ; nous poursuivons certains objectifs communs mais avec d’autres façons d’y parvenir.

L’économie sociale et solidaire vous semble-t-elle pouvoir être un levier pour la transition des territoires ?

N.F. : L’avenir de notre pays passe par ses territoires (villes, collectivités…). C’est à cette échelle précisément, que nous parvenons à saisir de façon la plus fine et la plus pointue, le réel besoin social. En ce sens, l’économie sociale et solidaire et l’innovation sociale sont intimement liées à la vie des territoires. L’enjeu pour nous est d’amplifier encore ce travail conjoint pour pouvoir agir utilement localement. Soutenir, accompagner mais aussi créer de l’emploi.

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