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Responsables ou libérées : rendre les entreprises plus inclusives

24.01.2017 Rencontres FSE

Responsable ADV chez Chronoflex (groupe Inov On) pendant 10 ans, Isabelle Briand a vécu de l'intérieur la libération de l'entreprise. Elle est aujourd'hui responsable développement chez Marge Up, entité du groupe Inov'on, révélatrice de performance globale et responsable, désireuse de réveiller les "talents" au sein des organisations.

Président national du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise et dirigeant de Tradifret, commissionnaire de transport, Olivier de Pembroke œuvre à la diffusion d’une philosophie entrepreneuriale plaçant l’Homme au centre de l’entreprise.

Dans leurs bouches, le principe d’inclusion sociale semble n’obéir qu’à un seul précepte : avoir le bon sens de remettre l’Homme au centre de l’entreprise. Les démarches RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) prennent des formes différentes mais elles ont en commun de parvenir à rendre l’entreprise plus performante durablement, avec des bénéfices collatéraux nombreux, en interne comme en externe. Isabelle Briand et Olivier de Pembroke croisent leur regard et leur expérience sur leur objectif commun d’accroissement du bien-être au travail.

Comment définiriez-vous tous deux la notion d’ "inclusion sociale" ? 

Isabelle Briand : C’est tout simplement remettre l’Homme au centre de l’entreprise. C’est valoriser l’intelligence collective pour faire naître l’innovation. L’idée est que tout le monde soit partie prenante. Avant, trois personnes décidaient pour 300. Aujourd’hui, 300 décident pour tous et cela change tout. L’expérience chez Chronoflex nous a prouvé qu’au regard de la vitesse quasi permanente de changement, inclure le plus grand nombre dans les décisions était salutaire.

Olivier de Pembroke : On aime nous dire que nous sommes dans un tunnel. Ça n’est pas le cas ; d’autres modèles émergent et font leurs preuves. Si la plus grande source de pollution de notre monde est l’humain, cela signifie bien que c’est par lui que viendra le changement. Le seul moyen de sauver le monde est de changer les comportements humains. Cela passe par une conscience individuelle de son impact et de son pouvoir d’action.

Quelle forme ce « recentrage sur l’humain » prend-il dans votre organisation ? 

I.B. : Chronoflex est devenue une entreprise libérée. Concrètement, nous intégrons tout le monde dans les processus de décision et d’action. Nous considérons que les idées sont à nos pieds. Nous organisons par exemple des ateliers, orchestrés par des facilitateurs, sur un thème donné. Y participent ceux qui en ont envie ; cela signifie que ceux autour de la table sont motivés et vraiment acteurs. Ces ateliers nous permettent, selon les cas, de poser un diagnostic partagé pour établir un bilan, de proposer des idées ou des solutions pour acter une décision. Par exemple, les camions des techniciens sont désormais agencés et équipés sur les recommandations des techniciens eux-mêmes, utilisateurs au quotidien des camions. Le savoir le plus juste est détenu par ceux qui font.

O. de P. : Je crois effectivement qu’il est important, en terme d’inclusion sociale, de considérer qu’il ne s’agit pas d’un sujet dédié aux dirigeants ; il concerne tous les collaborateurs. Dans le cadre de mon mandat au Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise, nos adhérents vont être amenés à réfléchir à d’autres voies de développement pour nos entreprises, qui ne soient pas fondées sur les principes du taylorisme et le recours à des ressources épuisables. L’idée est de regarder le développement économique sous un autre angle : en privilégiant les ressources immatérielles. Nos réflexions au Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise, nous mènent à penser que cela passe par quatre canaux : la valorisation des compétences pour dépasser le modèle de vente de biens ou de services, la pertinence qui permet de se considérer comme faisant partie d’un écosystème global qui participe à notre propre croissance dans la durée, la confiance qui nous rend fiables ensemble et sans laquelle aucune action n’est possible, et enfin la santé, pré-requis indispensable à notre capacité d’action sur le long terme.

Quels bénéfices observez-vous à cette plus grande inclusion sociale ?

I.B. : Chez nous, la libération de l’entreprise, c’est-à-dire la mise en œuvre d’un autre mode d’organisation et d’un autre management, a été un électrochoc puisque l’entreprise allait mal. Les retombées sont multiples, et entre autres économiques. Mais nous observons surtout un plus grand enthousiasme. Le turn-over des techniciens est passé de 30 à 15 % depuis la libération. Et puis, le plaisir au travail impacte les vies personnelles ; de nombreux collaborateurs témoignent de changements dans leur écosystème privé et dans leur développement personnel. Ils ont ajusté leur façon de voir l’éducation de leurs propres enfants !

O. de P. : La valorisation des compétences fait grandir la confiance qui augmente elle-même le bien-être… C’est vraiment l’idée du cercle vertueux. On nous parle beaucoup d’ « entreprises vertes » ces dernières années. Je me plais davantage à parler d’ « entreprises vertueuses ». Au-delà du jeu de mots, je crois mordicus au fait que si l’on ne modifie pas les comportements humains, si l’on n’écrit pas un nouveau mix économique basé sur les personnes, ce ne sont pas 2-3 poubelles qui changeront grand chose.

“ Changer l’environnement social de nos entreprises permet de changer l’environnement économique et donc l’environnement écologique. Nous devons passer du savoir faire au savoir agir, en mettant en place des moyens de rendre chacun plus responsables. ” Olivier de PembrokePrésident national du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise et dirigeant de Tradifret

En replaçant l’Homme au centre, vous déplacez le curseur de la responsabilité. En quoi les entreprises plus inclusives sont elles plus performantes économiquement ?

I.B. : Effectivement, la confiance et la responsabilité sont en quelque sorte rendues à chacun. Avant, un Comité de Direction fixait des objectifs et imposait un chiffre d’affaires à atteindre. Les collaborateurs n’en savaient pas plus. Désormais, ils ont des feuilles de rentabilité, ils connaissent leurs charges, leur seuil de rentabilité, ils sont intéressés sur la marge obtenue. La transparence leur donne une conscience plus fine de la réalité et les rend acteurs. Il existe toujours un dirigeant et des règles, mais dans ce cadre, chacun a les moyens d’agir. Les collaborateurs redécouvrent un sens à leur travail. Ils sont plus engagés, plus sereins, plus épanouis. Les résultats économiques sont vraiment probants.

O. de P. : Changer l’environnement social de nos entreprises permet de changer l’environnement économique et donc l’environnement écologique. Nous devons passer du savoir faire au savoir agir, en mettant en place des moyens de rendre chacun plus responsables. En étant vertueux dans son action, en agissant en conscience, chacun a le pouvoir d’écrire la société de demain. N’oublions jamais que nous n’assurons la pérennité de nos entreprises que par les humains qui la composent.

Quels sont les freins et les leviers à la mise en œuvre d’un modèle plus inclusif ?

O. de P. : C’est une mutation qui prend du temps. Il est parfois frustrant d’être soi-même vertueux lorsque l’autre en face ne l’est pas. On sent pour autant un vrai désir de changement de la part des citoyens. Les gens ont envie de redevenir les héros de leur vie. Le levier est individuel avant d’être collectif. Chacun doit prendre conscience de la portée de son action et faire sa part. Nous ne devons pas chercher à ressembler au modèle dont nous avons hérité mais construire, nous-même, notre propre modèle.

I.B. : Nous sommes en pleine transition, entre la structuration pyramidale et l’entreprise libérée. Le modèle « Fais et tais-toi. » est en passe d’être déboulonné. Mais nos carcans historiques, intégrés, demandent du temps pour être dénoués. Le rôle du leader est essentiel ; la démarche n’est valable que si ce dernier a une vraie volonté de lâcher prise sur certains points. C’est un changement de posture qui dépasse le business car c’est toute l’approche du management, de la communication, de la stratégie qui est repensée. Si ça n’est fait que pour l’argent, cela ne fonctionne pas. Pour être efficiente, la démarche inclusive doit être centrale, globale, transversale et quotidienne.

Comment accompagner ces transformations internes ?

I.B. : Il faut former, aider, accompagner. Un coach fait partie de l'équipe RH de Chronoflex. Il intervient sur des problématiques professionnelles mais aussi personnelles, pour les personnes qui le demandent. Il n’est pas simple pour tout le monde de monter sur le créneau de la responsabilité individuelle. La formation est vraiment clé. Il faut aussi accepter que la révolution ne soit pas immédiate et radicale… Même si la révolution numérique permet à la prise de conscience et au changement de se déployer de façon plus rapide qu’avant.

O. de P. : Oui, il faut accepter de prendre le temps. Connaître ses limites, faire preuve d’humilité. Je crois, en toute simplicité, que si chacun agit en conscience, de façon adulte, nous irons vers un système social, économique et environnemental plus vertueux et plus durable.

I.B. : Toute entreprise peut basculer du jour au lendemain. On peut tous subir le changement si on ne se met pas dans le mouvement. Il est donc indispensable de se remettre en question. Et si la prise de conscience peut être individuelle, le mouvement doit être collectif. C’est grâce à tous que pourra se faire la transition.

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