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Reims sans frontière, Trophée FSE d'Or
Mené par la Mission Locale de la Jeunesse de Reims, le projet « Reims sans frontière » accompagne depuis 2016, pendant 4 à 8 mois, 180 jeunes primo-arrivants en France. En leur dédiant un conseiller et un bénévole, l’enjeu est de les remettre sur le chemin d’une insertion sociale et professionnelle durable.
La mécanique de l’insertion
Qu’est-ce qu’un rond-point ? Où sont les associations d’aide alimentaire ? Où prendre le tramway ? Comment comprendre et se faire comprendre, comment se loger, comment travailler, se soigner… ? Avec le projet « Reims sans frontière », la Mission Locale de la Jeunesse de Reims accueille les jeunes de 18 à 25 ans, primo-arrivants sur le territoire français et les accompagne sur des programmes allant de 4 à 8 mois. Les problématiques très pratico-pratiques de vie (droits administratifs, accès au logement, sécurité sociale,…) alternent avec celle de la sociabilisation, comme en témoigne Romain Gamichon, conseiller en insertion : « Le premier enjeu est souvent de rompre l’isolement. À partir du moment où le lien social est recréé, les jeunes peuvent commencer un nouveau parcours. » Une mission d’insertion à la fois sociale, culturelle et professionnelle qui fait face à une grande diversité de situations. À ce titre, Christine Béguinot, Directrice de la Mission Locale, insiste sur la nécessité d’un accompagnement personnalisé : « Nous accueillons 180 jeunes qui représentent 49 nationalités différentes. C’est autant, voire plus, de cas de figure à traiter : jeunes issus de foyers, arrivants des DROM, de pays en guerre, illettrés, avec des problèmes de santé… Pour répondre de façon adaptée, nous avons dédié deux de nos conseillers - sur 20 -, à la question du droit des étrangers. »
Pour ces conseillers en insertion, l’enjeu est de ne pas ajouter de la complexité à des situations de vie déjà compliquées. Pour qu’un nouveau chemin social et professionnel se dessine, il existe souvent plusieurs freins à lever. Alors, par un effet domino vertueux, les rouages de la mécanique administrative, sociale et professionnelle se remettent en marche dans le bon sens. Romain Gamichon repense à Mountaz, un jeune béninois accueilli en France pour obtenir des soins médicaux spécifiques mais non-autorisé à y travailler. « Nous nous sommes démenés pour que Mountaz parvienne à faire un stage puis accède à un chantier éducatif. Cette dynamique a enclenché un salaire, donc l’accès à un logement, le renouvellement de son titre de séjour avec le droit de travailler, la reprise d’une formation professionnalisante, la validation de son permis de conduire… Notre mission consiste à démêler les situations, lever les barrages, apporter des solutions. Nous accompagnons, renseignons, aidons, amorçons, mais ce sont ensuite aux jeunes de faire le chemin. C’est eux qui vont plus loin. »
Parmi les obstacles, Christine Béguinot cite en priorité l’accès à la langue. Ne pas connaître le français, c’est ne pas parvenir à expliquer précisément sa situation, c’est ne pas comprendre ce que l’on doit faire. Autant de freins à la reprise d’un parcours d’insertion durable. En s’inspirant du programme d’accueil des migrants en Allemagne, qui consacre un fonctionnaire et un bénévole pour 60 réfugiés, et un important budget à l’apprentissage de la langue, la Mission Locale de Reims consacre un conseiller et un bénévole pour 60 jeunes, et insiste sur le levier fondamental que représente l’acquisition de la langue. Roman Gamichon commente : « En France, les sites web, panneaux, documents sont encore peu traduits. La langue est le premier barrage à lever. Il faut apprendre aux jeunes à parler français. À la Mission Locale, nous privilégions rapidement le français dans nos échanges. Mais au début, nous accompagnons les jeunes en anglais, ou nous faisons intervenir des interprètes si besoin ; ce sont parfois des jeunes que nous avons accompagnés qui deviennent alors des relais. La symbolique est intéressante. »
Sas de préparation à l’accueil plus traditionnel de la Mission Locale ensuite, système d’aide à l’insertion, d’accompagnement du potentiel professionnel, interface entre ce que Christine Béguinot nomme « les injustices administratives et la violence institutionnelle », le projet « Reims sans frontière » se définit comme un levier « de remise en route et en rythme » pour les 180 jeunes qu’il accompagne. Il coordonne les quatre conditions indispensables à une insertion : les papiers, le travail, la langue et le logement. Au-delà, Romain Gamichon et Christine Béguinot voient au moins deux autres vocations au projet : donner une autre image de l’immigration, et professionnaliser la démarche d’accompagnement. Ils témoignent ainsi : « Au fil des ans, nous avons vu arriver de plus en plus de jeunes de l’étranger, en situation complexe. Nous avons compris que cela allait durer. Comme les entreprises ont une responsabilité sociale, la nôtre est d’accueillir le plus dignement possible ces jeunes. Le savoir-faire que nous acquérons, entre autres dans le domaine du droit, est aujourd’hui utile à nos partenaires. Transfert de compétences indispensable quand on sait à quel point c’est notre action mutuelle qui est probante. »