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L’insertion des familles Roms par l’Emploi et l’Ecole

14.06.2018 Rencontres FSE

« L’Insertion par l’Emploi et par l’Ecole » (I2E), telle est l’ambition du projet I2E. Deux villages d’insertion, situés dans la métropole lyonnaise, à Saint-Genis-les-Ollières et à Saint-Priest, accueillent une quinzaine de familles Roms sur chacun des deux sites. Lieux d’accueil mais aussi d’accompagnement social et professionnel pour ces personnes éloignées de l’emploi, les deux villages sont cofinancés par le Fonds Social Européen. Benoit Aurenche, coordinateur du projet, piloté par l’association Habitat et humanisme, revient sur l’accompagnement proposé par I2E.

Rencontre avec Benoit Aurenche, coordinateur du projet I2E

Situez-nous l’origine du projet I2E…

Né en 2015, I2E a été initié par la préfecture, dans le cadre des politiques de résorption de campements illicites. L’idée est vite apparue qu’il fallait aller au-delà du logement, proposer un accompagnement vers l’emploi. Notre objectif avec ce projet ? Favoriser l’autonomie des personnes accueillies et contribuer à lutter contre les stéréotypes autour de « l’assistanat » des personnes Roms. L’association Habitat et humanisme a alors été désignée comme l’opérateur du projet.

10 à 12

millions de Roms en Europe

 

Source : Enquête de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2012

1/3

en situation de chômage

90 %

sous le seuil de pauvreté

I2E propose un triple accompagnement, pouvez-vous nous en dire plus ?

I2E repose en effet sur trois pôles : un pôle « animation sociale », un pôle « enseignement » et un pôle « insertion professionnelle ». Les animateurs sociaux aident les familles à acquérir les différents codes sociaux nécessaires à leur intégration et les accompagnent dans leurs démarches administratives. Les professeurs de FLE (Français Langue étrangère) ont pour objectif l’enseignement du français, ils ont une approche très « pratico-pratique » face à un public majoritairement analphabète. Ils apprennent, par exemple, aux personnes à remplir des formulaires de manière quasi autonome, à se repérer dans l’espace et dans le temps… Les chargés d’insertion professionnelle, eux, accompagnent les résidents dans leurs démarches vers emploi. Ils ont pour mission de les aider à élaborer leur projet professionnel. Des ateliers d’insertion ont été organisés et ont permis de « débroussailler » ce qu’était l’emploi, la durée d’une journée de travail, les codes… Initialement, deux référents par pôle accompagnaient les personnes. Depuis l’été 2017 ils ne sont composés que d’une personne. Mon rôle, en tant que coordinateur du projet I2E, est de faire le lien entre ces trois pôles.

I2E repose sur un engagement des familles à respecter certains principes, quels sont-ils ?

C’est vrai, il existe une charte d’engagement. Les personnes accueillies doivent, par exemple, s’engager à ne pas s’adonner à la mendicité et à scolariser leurs enfants. La charte permet avant tout d’instaurer un cadre et de travailler sur le long terme. Mon rôle n’est pas de sanctionner une personne « faisant la manche » mais d’essayer de comprendre pourquoi elle le fait et de l’inciter, par exemple, à intégrer un parcours d’insertion.

Quel est le profil des personnes que vous accueillez dans les villages ?

Initialement, les villages n’accueillaient que des familles « nucléaires », c’est-à-dire parents et enfants. Aujourd’hui, certaines de ces familles sont devenues multi générationnelles. Au minimum, une personne par famille est à la recherche d’un emploi. Il y avait, sans doute, une volonté de mettre à l’abri des familles avec enfants.

Comment se passe la scolarisation des enfants accueillis dans le village ?

Mener de front la scolarisation des enfants et l’insertion professionnelle des parents n’est pas toujours facile. Initialement les enfants ont été scolarisés sur les villages par l’éducation nationale pour le deuxième semestre 2015-2016, cela a donné lieu à quelques débats. Par la suite, la rentrée scolaire 2016-2017 a permis aux enfants d’intégrer des groupes scolaires environnants.

Comment les résidents intègrent-ils le marché de l’emploi ?

Nos résidents pensent souvent à court terme, l’objectif premier étant, pour eux, de quitter la rue et d’accéder à un logement. Il a fallu leur expliquer que l’accès à l’emploi ouvre aussi de nouvelles perspectives. Aujourd’hui, la « valeur travail » est acquise. Nous n’avons pas de partenariat privilégié avec des entreprises mais avons accès aux offres de Pôle Emploi. La plupart du temps, nos résidents trouvent un emploi après démarchage auprès des entreprises et/ou sur des sites annexes de recherche d’emploi. Certains d’entre eux se positionnent sur des emplois en insertion. Les autres personnes sont employées en CDD, en CDI, en intérim, en chèque emploi service... Par exemple, un de nos résidents a été embauché en CDI en tant qu’employé polyvalent dans un supermarché.

Racontez-nous le parcours de ces familles, une fois « intégrées » ?

Le projet avait été pensé avec un turn-over assez important : accueillir des familles puis les remplacer par d’autres une fois l’intégration réussie. Mais l’emploi n’est que la première marche vers l’insertion. Après cela, il y a tout le processus d’ouverture des droits, le droit à la santé, à la CAF…. Le parcours d’insertion dure au minimum un an et demi en moyenne. Le marché du logement étant très tendu sur la métropole de Lyon, nous aidons également les résidents à trouver un logement social pour envisager leur sortie du dispositif. Pour les familles quittant le village, nous n’assurons plus un suivi proactif mais restons disponibles en cas de difficultés durant le trimestre suivant, ceci permet de les orienter vers les dispositifs de droit commun.

Quel bilan tirez-vous de ces deux années de projet ?

L’approche globale du projet I2E nous a permis d’agir sur différents fronts : l’insertion sociale par l’apprentissage de la langue, par l’emploi, le logement… Les fonds européens nous aident à mener cette action, le FEDER co-finance le bâti et le FSE participe au fonctionnement des villages. A l’avenir, peut-être faudrait-il davantage expérimenter la mixité sociale, en plaçant les personnes dans des logements à l’extérieur des villages par exemple. Certains enfants commencent à jouer entre eux en parlant français. C’est un bel acquis.  Les bienfaits de l’insertion se ressentiront encore plus sur les générations futures…

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