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« Insertion professionnelle des jeunes : les entreprises au cœur du processus »
Chômage supérieur à la moyenne, décrochage scolaire, discrimination à l’embauche… L’insertion professionnelle des jeunes est plus compliquée en France qu’en Europe. Hélène Garner, directrice du département Emploi – Travail – Compétences à France Stratégie, décrypte les difficultés rencontrées par les jeunes, et les dispositifs d’insertion efficaces dans leur quête d’un emploi durable.
Dans votre rapport sur « L’insertion professionnelle des jeunes » remis au gouvernement en janvier 2017, vous parlez des jeunesses au pluriel. Les jeunes ne sont pas tous égaux face à l’emploi ?
Ils ont des difficultés communes mais forment un groupe hétérogène face à l’emploi. Davantage que l’âge, le niveau de qualification est le principal critère d’accès à l’emploi : les moins diplômés connaissent un taux de chômage trois fois supérieur à celui des diplômés de l’enseignement supérieur. Les non-diplômés mettent en moyenne un an pour accéder à leur premier emploi en CDI, contre trois mois pour les diplômés du supérieur. La spécialité du diplôme, voire sa filière d‘accès (voie scolaire, apprentissage) jouent également un rôle central dans la qualité de l’insertion. Le vrai point noir pour la France, ce sont les 14% des 20-24 ans au chômage et les 15 % des 15-29 ans qui ne sont ni en emploi, nien études, ni en formation (les NEETs).
Alors, comment agir efficacement auprès des NEETs, ces jeunes cumulant les difficultés ?
Depuis le 1er janvier 2017, la Garantie Jeunes – cofinancée dès 2014 par l’Initiative Européenne pour la Jeunesse (IEJ) et le Fonds Social Européen – est étendue à l’ensemble du territoire national. Son expérimentation depuis 2013 a montré des résultats positifs sur l’accès à l’emploi des jeunes de moins de 26 ans en situation de grande vulnérabilité sur le marché du travail. Le principe ? Pendant un an, ils sont encadrés par un conseiller de la mission locale. Ensemble, ils construisent un parcours intensif et personnalisé de formation et d'accès à l'emploi combinant un accompagnement individuel et collectif sur plusieurs mois, des périodes d’immersions régulières en entreprise et une aide financière de 472 euros par mois. 140 000 jeunes ont déjà bénéficié de cet accompagnement.
Vous mettez en lumière des « freins périphériques » à l’accès à l’emploi. De quoi s’agit-il ?
Environ 10% des jeunes cumulent des difficultés qui constituent de véritables barrières à l’insertion professionnelle : maitrise des compétences de base, difficultés de logement, de mobilité, accès aux soins, maitrise du numérique, articulation vie familiale / vie professionnelle, difficultés financières, discriminations… Si on ne s’y attaque pas, les politiques d’insertion axées sur la formation ou la mise en emploi ne pourront pas être pleinement efficaces.
Selon vous, quel sont les dispositifs les plus efficaces pour l’insertion professionnelle des jeunes ?
Je citerai les emplois d’avenir et la Garantie jeune. Ils offrent une première expérience professionnelle et un accompagnement personnalisé. Dans ce contexte, le rôle des missions locales est appelé à se renforcer. Près de 70 % des jeunes non diplômés sortis du système scolaire ont au moins un entretien avec une mission locale. Elles se sont aussi rapprochées des entreprises pour recevoir systématiquement leurs offres d’emploi et placer les jeunes en situation d’immersion.
Peut-on encore améliorer l’apprentissage, qui s’est beaucoup développé depuis 25 ans ?
L’apprentissage favorise l'insertion dans l'emploi des jeunes, en particulier chez les moins diplômés. En revanche, les ruptures de contrats demeurent élevées, notamment pour les plus jeunes, les moins diplômés, et dans certains secteurs d’activité.
Là encore il faut s’attacher à mieux préparer les jeunes à l’insertion dans la vie de l’entreprise, qu’ils en connaissent les codes, les droits et les devoirs. Les employeurs doivent se préparent à accueillir ces jeunes qui ne sont pas des salariés comme les autres mais des jeunes en formation, des étudiants. Il faut aussi travailler en amont l’orientation et créer des passerelles pour que le droit à l’erreur soit effectif et que les jeunes puissent se réorienter rapidement après une rupture.
Quels leviers actionner pour renforcer l’insertion des jeunes ?
La bonne formule repose sur le triptyque mise en situation professionnelle, formation certifiante et accompagnement personnalisé des publics les plus éloignés de l’emploi. C’est le sens du rapport de Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS, sur les politiques d’inclusion remis à Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, le 16 janvier dernier. Il propose la mise en place d’un Parcours Emploi Compétence en remplacement des contrats aidés. Seuls les acteurs publics qui s’engagent à former et suivre activement les salariés bénéficieront de la subvention. L’insertion et la formation doivent dépendre aussi de l’employeur et pas seulement de la personne en recherche d’emploi.
Quel rôle peuvent jouer les entreprises dans l’insertion des jeunes ?
Il existe des incompréhensions entre les aspirations des jeunes et les attentes des employeurs. Par exemple, près d’un jeune débutant sur deux n’a pas été formé pour le travail qu’il occupe. Par ailleurs, le diplôme reste le premier critère des recruteurs, au détriment des compétences. Ce qui entraîne des profils surdiplômés sur des postes accessibles aux jeunes moins diplômés.
Les entreprises doivent être au cœur de ces processus d’insertion, se sentir responsables de cette insertion. Prendre leurs responsabilités pour développer des compétences en interne, en proposant des contrats de plus longue durée, incluant des périodes de formation, mettre en place du tutorat, construire des parcours d’intégration, lutter contre les discriminations.