Vous êtes ici
On en a parlé au Village FSE (1/4) : la transition numérique
Près de 1 000 participants au CENTQUATRE-PARIS, les 5 et 6 décembre derniers, pour les journées rencontres du Fonds Social Européen ! Consacré, cette année, aux transitions numérique et écologique, le Village des Initiatives FSE a battu des records de fréquentation. Tout au long du mois de décembre, nous revenons sur cette 4ème édition particulièrement riche en échanges. Premier tour d’horizon des « vus et entendus » au Village FSE avec un focus sur la transition numérique et les mutations qu’elle entraîne pour les entreprises et les salariés.
Uberisation, poly-activité, autonomisation des travailleurs, mise en question du salariat… L’impact de la révolution numérique sur le monde du travail, l’emploi et les trajectoires professionnelles donne lieu depuis plusieurs années à d’intenses controverses. En 2014, le cabinet Roland Berger estimait la part d’emplois automatisables à 42 % des emplois en France. Les travaux récents de France Stratégie viennent toutefois fortement relativiser cette menace : pour l’organisme de réflexion prospective, seuls 15 % des emplois hexagonaux (3,4 millions de postes) seraient « automatisables », une proportion variable selon les secteurs, les métiers et les niveaux de qualification des travailleurs. De fortes incertitudes demeurent donc concernant l’ampleur exacte sur le volume d’emploi de la transformation en cours mais la mutation est réelle pour les salariés et les entreprises.
Pour aller plus loin Numérique et travail : l’interview croisée À l’occasion de la rencontre croisée avec Jean Pisani-Ferry, Commissaire général de France Stratégie, sur l’emploi et le numérique », Carine Chevrier explique : « Nous sommes ici dans une approche schumpétérienne de destruction créatrice : avec le numérique, des secteurs d’activité disparaissent quand, conjointement, d’autres se créent. La transformation est rapide, radicale, intrusive, protéiforme. Elle impacte nos vies professionnelles, nos outils de travail autant que nos usages». Jean Pisani-Ferry confirme en rappelant « qu’il n’y a plus d’emplois totalement préservés. L’intelligence artificielle impacte des emplois qualifiés mais les emplois intermédiaires sont également touchés ».
Un constat pour les intervenants de l’édition 2016 : la révolution numérique fait déjà émerger de nouvelles formes de travail et tend à rendre les trajectoires professionnelles plus dynamiques, plus hybrides, offrant des opportunités d’emplois, y compris pour les moins qualifiés. Ce sont, par exemple, les plateformes de matching d’emplois qui se positionne désormais clairement sur ce créneau, qui facilitent et accélèrent l’accès à l’emploi pour tous, y compris les moins diplômés. Toutefois, si le numérique dope formidablement l’emploi pour les moins qualifiés, une importante partie de la population rencontre toujours des difficultés d’accès et d’usage, alors même qu’elle pourrait faire de cette technologie un levier de son insertion. Le numérique continue ainsi de créer d’importantes fractures pour les populations fragilisées (chômeurs, population en situation de handicap, etc.) et les quartiers défavorisés sur nos territoires.
Le numérique est aussi un levier de concentration économique sur certains territoires dont il peut modifier la richesse relative avec les plateforme d’achat ou de logistique, les incubateurs de start-up et même les plateformes de financement participatives qui détournent les modes de financement traditionnels du développement locale. Mais ces plateformes sont aussi la source d’innovations pour une multitude de petits entrepreneurs dont la croissance se joue dans la proximité de leur territoire d’implantation, là où ils introduisent leurs services et les adaptent en fonction des interactions avec leurs premiers cercles de clients / utilisateurs.
Dans cette révolution, comment mettre à jour notre lecture de ces enjeux ? A l’occasion de la séquence sur « l’innovation territoriale et transformation numérique, les nouvelles opportunités pour l’emploi », Hélène Le Teno, Directrice Entreprises d’Auxelia propose trois pierres de gué pour les acteurs territoriaux : « Tout d’abord, faire vivre les données collectées car bien exploitées, les données numériques représentent une mine de richesses inestimables pour les territoires ; ensuite, animer le développement et la démocratie locale car l’opportunité de développement offerte par les plateformes de financement participatives est réelle ; enfin, faire du numérique un sujet transversal car le numérique impacte tout : l’urbanisme, le commerce, la démocratie, l’éducation… » Le numérique ouvre également des leviers de croissance en permettant une optimisation des ressources existantes localement.
Dans le même sens, les services numériques permettent d’augmenter la part locale des échanges qui contribuent à nourrir les capacités d’innovation : au lieu de « s’évaporer » des territoires, la richesse est réinvestie au plan local sous forme de dividendes, salaires, achats, investissements.
Le numérique révolutionne enfin notre rapport au temps et à l’espace de travail et dans un monde ouvert où l’information circule vite, les entreprises sont bousculées par de nouvelles opportunités de business et des méthodes de travail profondément renouvelées. Loin de confirmer les prédictions défaitistes d’un monde entièrement robotisé, fatal pour les emplois, la révolution numérique prouve chaque jour son incroyable potentiel de création positive. Former, équiper, outiller les entreprises face à ce double effet du numérique sur l’emploi – à la fois disruptif et créatif – doit être un enjeu partagé entre acteurs économiques et pouvoirs publics. Dans ce panorama élargi en continuelle mutation, les entreprises doivent s’adapter, évoluer, gérer cette transition plus rapide et plus radicale que prévue. « Avec le numérique, le besoin d’apprentissage est devenu permanent », explique Sandrine Aboubadra-Pauly, Cheffe de projet « Prospective des métiers et des qualifications » à France Stratégie pendant la séquence consacrée au virage numérique pour les PME/TPE.
Le choc est double pour la formation. Elle doit, d’une part, adapter son offre de façon transversale mais aussi spécifique, avec des métiers cœur du numérique de plus en plus nombreux pour lesquels il faut former des professionnels compétents. D’autre part, la formation doit adapter ses modalités de transmission des connaissances. E-learning, MOOC… nous apprenons différemment désormais, comme le rappelle Carine Chevrier lors de sa rencontre croisée avec Jean Pisani-Ferry. Un constat général dressé à l’issue du Village FSE : le temps est venu de s’emparer du sujet du numérique avec clé de réussite pour cette mutation, la formation qui doit désormais être considérée par tous, employeurs comme salariés, comme une acquisition de compétences continue, intégrée et permanente.
Le numérique au Village FSE :
- Rencontre croisée « l’Emploi et la Numérique » : Carine Chevrier, Déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle, et Jean Pisani-Ferry, Commissaire général de France Stratégie (Mardi 6, 9h, PLACE)
- « La transition numérique : demain, quels impacts sur l’emploi et les formes de travail ? » (Mardi 6, 9h20, AGORA)
- « PME/TPE : prendre le virage du numérique pour l’emploi et la formation » (Mardi 6, 11h20, AGORA)
- « Le numérique, un facteur d’intégration et de créativité pour les moins qualifiés » (Mardi 6, 11h20, BIBLIOTHEQUE)
- « Innovation territoriale et transformation numérique, les nouvelles opportunités pour l’emploi » (Mardi 6, 11h20, RESSOURCERIE)