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Écoles de la 2ème chance ou la lutte contre le décrochage scolaire

29.06.2018 Actualités

Muriel Pénicaud était présente hier 28 juin à Marseille, à l’occasion de la célébration des 20 ans du dispositif Ecoles de la 2ème Chance (E2C) qui œuvre pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Pour en savoir plus sur le projet, retrouvez l’interview de Cyrille Cohas-Bogey, directeur général du Réseau E2C France depuis 2015.

Diplômé de Sciences-Po Lyon, titulaire d'un DEA en Relations internationales, Cyrille Cohas-Bogey est engagé dans le management d'organismes associatifs depuis une vingtaine d'années. Il a notamment dirigé le Comité de la Charte du Don en Confiance (en charge du contrôle des organisations faisant appel à la générosité publique).  Il est directeur général du Réseau E2C France depuis fin 2015. Aux côtés d’Alexandre Schajer, Président du Réseau E2C, Cyrille pilote l’expansion du réseau ainsi que l’évolution des dispositifs pédagogiques et des systèmes d’information.

Les Écoles de la 2e  chance (E2C) visent à offrir à des "jeunes décrocheurs", sortis du système scolaire, sans diplôme ni qualification, une formation et un accès à l'emploi. L'origine de ce dispositif réside dans une initiative européenne de lutte contre l'exclusion à la fin des années 1990.  C'est bien cela ?

En 1995, Edith CRESSON, commissaire européen chargée de la science, la recherche, et le développement, a remis un livre blanc intitulé "Enseigner et apprendre : vers une société cognitive". L'initiative des Écoles de la 2e  Chance (E2C) faisait partie des recommandations. Dix projets, financés par la Commission européenne, ont été testés en Europe, dont un établissement à Marseille, première École de la 2e  chance en France, ouverte en 1998.

En vingt ans, le dispositif a-t-il pris son essor ?

En 2004, l'association Réseau E2C France est venue fédérer les six premières écoles créées et notamment mettre en place le cadre de la labellisation. Les modalités de fonctionnement des Écoles de la 2e  chance ont été institutionnalisées par leur inscription dans des textes règlementaires (Code de l'Education, décret, circulaire) entre 2006 et 2009. A l'heure actuelle, le réseau, présidé par Alexandre Schajer, rassemble 51 écoles pilotant 124 sites, présents dans 56 départements, 12 régions et 4 territoires ultramarins et formant environ 15 000 stagiaires par an. Chaque année, une petite dizaine de nouveaux sites sont ouverts.

Comment définissez-vous le principe des Écoles de la 2e  chance ?

Ce dispositif vise les jeunes en situation d'échec scolaire et de rupture. Nous aidons des jeunes adultes sans qualification, sans emploi, mais motivés, à retrouver la voie de l'intégration sociale, citoyenne et professionnelle.  Une partie du travail consiste notamment à reprendre les savoirs de base (français, maths, informatique), à les amener à développer leurs compétences et à les aider à construire un projet professionnel qui leur permette de choisir un métier, clé d'une place dans le monde du travail.

La formation dispensée par les écoles est courte et professionnalisante ?

Chaque jeune qui intègre une de nos écoles passe des tests de positionnement. On définit par la suite un parcours et son contenu (avec des éléments de culture générale et d'accès à la citoyenneté), de façon individualisée, ainsi qu’un ensemble de stages en entreprise à réaliser. C'est une formation en alternance d’une durée moyenne de 6 mois, période au cours de laquelle le stagiaire enchaîne 4 à 5 stages d'une dizaine de jours chacun dans des entreprises différentes. Grâce à ces expériences, le jeune va pouvoir définir son projet professionnel et commencer à le consolider. C'est un parcours intensif (d’environ 35 heures par semaine), cadré et impliquant, à l’issu duquel leur est remis une attestation de compétences acquises. Les jeunes sont stagiaires de la formation professionnelle et, à ce titre, rémunérés par la Région. Ceci implique notamment que toute absence doit être motivée.

Votre réseau insiste sur la nécessité d'individualiser les parcours et de les sécuriser...

L'acquisition de compétences, l'alternance, l'accompagnement à l'inclusion constituent le triptyque fondateur des Écoles de la 2e  chance. Chaque jeune est suivi par un référent jusqu'à 12 mois après la sortie du parcours. Il s'agit de limiter le risque de rupture chez des jeunes qui ont déjà connu ce type d'accident, ne serait-ce que sur le plan scolaire. Le référent aide à lever les freins périphériques (logement, santé, famille) avec l'aide de partenaires associatifs de l'école.

De quels résultats peut se prévaloir le dispositif de la deuxième chance ?

Le premier résultat est que huit jeunes sur dix intégrant une de nos écoles, suivent un parcours complet. Cela tient à l'efficacité de la pédagogie active qui consiste à "mettre en situation" la personne et à valoriser ses acquis. Mais aussi à l'engagement exigé de la part de chaque stagiaire.

A la fin de leur accompagnement, soit douze mois après leur formation, le taux de sortie positive (personnes en formation, ou en alternance, ou en contrat de travail) est de 61%. Ce sont des résultats globalement satisfaisants mais notre réseau, est inscrit dans une démarche qualité, d'amélioration continue, et cherche à faire encore mieux.  

La particularité des Écoles de la 2e  chance réside dans l'autonomie des écoles ?

L'autonomie des écoles et l'ancrage local sont des points essentiels de la réussite du dispositif. Chaque école qui se crée rassemble autour d'elle de nombreux acteurs : état, entreprises, associations... La clef de voûte, ce sont les entreprises qui participent de façon active à la vie des écoles, aux projets pédagogiques et à la définition des projets professionnels des jeunes. Le jeune prend conscience de cette mobilisation. C'est un point important.

Simultanément, le Réseau garantit un cadre national ?

Le réseau gère le label, gage de sécurité et de qualité. La labellisation exige de satisfaire à un audit comprenant 80 critères de contrôle, réalisé par AFNOR Certification. Ce label doit être renouvelé tous les quatre ans par une Commission nationale de labellisation, organe indépendant et externe (cf. encadré) avec un audit intermédiaire tous les deux ans.

Le processus de labellisation est très normé mais nous tenons aussi à préserver la capacité d'innovation des écoles.

Le manque de complémentarités entre les dispositifs de formation et d'insertion en France est souvent cité. Qu'en est-il des synergies entre les E2C et d'autres dispositifs, telle la Garantie Jeunes ?

Dans le droit fil du rapport Borello, et d’autres rapports tels que celui de la Cour des Comptes, nous sommes favorables à davantage de flexibilité et de passerelles d'un dispositif à l'autre, plus précisément entre les E2C et la Garantie Jeunes. Il y a des freins juridiques à lever, et peut-être une plus grande clarification des rôles à établir. 

Comment sont financées les Écoles de la 2e  chance ?

En 2016, le budget global des écoles représente 78,4 millions d'euros, hors indemnités des stagiaires financées par les Régions (18,6 millions d'euros). Les Régions assument 31,5% de ce budget, l'Etat 27,9%, le FSE 14,3%, les collectivités locales 9,2% et la taxe d'apprentissage 5,5%. Notre souci est de pérenniser ces sources de financement, surtout alors que la part des Régions et celle de l'Etat sont plutôt en baisse. Dans cette logique, nous cherchons notamment à établir des durées de convention triennales avec les Régions, pour être en conformité avec les relations E2C – État, actuellement régies par des Conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens. Par ailleurs, les Écoles de la 2e  chance en tant que participants au dispositif de formation et d'insertion en alternance, sont habilitées à recevoir de la taxe d'apprentissage. Nous souhaitons la confirmation de cette capacité. [NDLR, interview réalisée en avril 2018].

De gauche à droite : Alexandre Schajer, Président du Réseau E2C France, Cyrille Cohas-Bogey, Directeur Général et Remy Briffox, Responsable pédagogie et gestion des connaissances.

La Commission nationale de labellisation des écoles de la 2° chance

La Commission nationale de labellisation est présidée par Jean-Marie Marx, président du CNEFOP, et comprend des représentants de l’État (ministères de l’Emploi, de la Ville et de l’Éducation Nationale), des collectivités territoriales et locales (Régions, Départements, Association des Maires de France), Conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, des organismes consulaires (CCI France, APCM), des acteurs de l’orientation (Missions locales) et du Réseau E2C France.

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