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Convergence, l'insertion progressive des personnes à la rue
De l'ambiance feutrée des cabinets de consulting international à la réalité sans fard de la grande exclusion, il y a un grand pas. Sophie Roche l'a accompli il y a une dizaine d'années. Elle dirige aujourd'hui au sein d'Emmaüs, Convergence, un projet d'accompagnement renforcé des personnes exclues. Ce programme qui vise à une insertion sociale durable est soutenu par le FSE dans le cadre du PoN Emploi et inclusion 2014-2020.
Les réseaux sociaux professionnels (LinkedIn, Viadeo...) conservent les traces de sa première carrière dans le consulting (Kurt Salmon, Deloitte Consulting). Mais au tournant de la quarantaine, Sophie Roche, responsable du programme Emmaüs Convergence, a tourné la page pour cause de "besoin d'engagement", "recherche de sens...". C'était en 2007, année de la crise du Canal Saint-Martin à Paris : des centaines de personnes à la rue affluent sur les quais de Jemmapes et de Valmy. Des tentes de camping se dressent le long du canal. Certains mouvements humanitaires, tel Emmaüs, réalisent que les besoins des personnes "sans abri" sont en réalité très divers : logement certes, mais aussi santé, aide au retour à l'emploi... L'association a l'idée d'ouvrir un chantier d'insertion pour les personnes à la rue, dans le prolongement des dispositifs d'urgence.
Lutter contre la « grande exclusion »
"Emmaüs Défi n'est pas un chantier d'insertion classique - trop contraignant avec les 26 heures par semaine - mais propose un programme de reprise progressive d'une activité" précise Sophie Roche. "En s'appuyant sur les équipes de maraude, on fait travailler ensemble éducateurs et « sans abri », au départ une matinée (4 heures) par semaine, puis 8 heures. Quelque chose s'enclenche progressivement. Cela constitue une phase préparatoire au chantier. Ensuite, chaque personne vient seule, cette fois encadrée directement par Emmaüs Défi pour entamer le parcours d'insertion officiel" précise la responsable.
Rapidement, les équipes d'Emmaüs se rendent compte que pour accompagner efficacement une personne en grande difficulté et l'aider à se resocialiser, il faut actionner plusieurs leviers à la fois : soins, traitement des addictions, logement, aide administrative... Et aussi qu'il faut du temps, bien davantage que les deux ans de la durée règlementaire d'un parcours d'insertion.
Convergence, un programme de reprise progressive d'une activité
De ce diagnostic naît en 2012 le dispositif Convergence, expérimenté sur le chantier d'insertion Emmaüs Défi à Paris, un chantier dit "remobilisant" qui s’appuie sur la remise en activité (collecte des dons, tri, vente), des actions de formation (linguistique, gestes et postures, Caces...), des mises en situation professionnelle en entreprise classique... En parallèle, "un accompagnement concerté relie autour de la personne plusieurs référents : centre d'hébergement, référent RSA, assistant(e) social(e), référent professionnel. Pour y parvenir, nous avons développé un réseau de partenaires emploi, santé, logement" décrit la responsable du projet. L'accompagnement est renforcé et prolongé. "Emmaüs a obtenu une dérogation administrative pour étendre la durée du contrat d'insertion à cinq ans. Sur cette durée, nous pouvons accompagner les personnes après leur accès à l'emploi ou l'obtention de leur logement social, et ainsi prévenir le risque de rupture", analyse Sophie Roche.
Des résultats à la hauteur
La première phase expérimentale de Convergence, 2012-2015, a permis d'accompagner 236 personnes. L'évaluation du projet a mis en évidence une diminution importante des "retours à la rue" (de 50 %, on est passé à 20 %), une augmentation des sorties en emploi d'insertion même si les sorties en emploi durable sont restées limitées (12,5 %).
Emmaüs Défi a lancé une seconde phase de Convergence sur la période 2016-2018 dans une version plus "musclée" comme le recommandait le cabinet d'évaluation : extension à plusieurs chantiers d'insertion (Aurore, Centre d'action sociale de Paris, Rejoué,...), renforcement des partenariats (santé, logement, emploi...) et mutualisation de moyens.
Courant 2018, plus de 200 salariés vont être accompagnés dans le cadre Convergence. A la fin du premier semestre 2018, le programme va être évalué. Même s'il reste plutôt élevé, le coût public (direct et indirect) de l'ensemble du dispositif (33 000 euros par Equivalent Temps Plein en insertion) est inférieur à la moyenne des Ateliers et Chantiers d'Insertion (ACI), analyse le cabinet en charge de la première évaluation. Emmaüs milite aussi pour la prise en compte des coûts publics évités : coûts évités d'hébergement, d'hospitalisation, etc. liés à la diminution des retours à la rue.
Un tour de table très diversifié
Convergence qui bénéficie entre autres du soutien du FSE dépend de multiples financements : Direction générale de la cohésion sociale, Direction départementale de la cohésion sociale, DIRECCTE Ile-de-France, Ville de Paris, ARS 75 (Agence régionale de la santé), Fondation Vinci pour la Cité, Fondation Sanofi Espoir, PAI Partners.