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Lutte contre le décrochage scolaire : des initiatives financées par le FSE
Lutte contre le décrochage scolaire : des initiatives financées par le FSE
Le ministère de l’Education nationale définit le décrochage comme un processus qui conduit un jeune en formation initiale à se détacher du système de formation jusqu’à le quitter avant d’avoir obtenu un diplôme. Ainsi un décrocheur est défini institutionnellement comme un jeune qui quitte prématurément un système de formation initiale, sans avoir obtenu ni le baccalauréat, ni diplôme à finalité professionnelle de niveau V ou IV (BEP ou CAP) et qui n’est plus inscrit dans un cycle de formation. Ce processus est observable quel que soit le système de formation initiale : formation relevant du ministère de l’éducation nationale, formation relevant du ministère de l’agriculture, jeune sous statut d’apprentissage. On parle aussi depuis quelques années de décrochage scolaire pour les publics étudiants du supérieur.
1.Quelques points de repère
La part des jeunes (âgés de 18 à 24 ans) ayant quitté prématurément l’éducation et la formation a régulièrement diminué en Europe, passant de 16,9% en 2002 à 10,2% en 2019[1]. Les jeunes femmes sont moins affectées par ce phénomène que les jeunes hommes (8,4% vs 11,9%) dans tous les États membres de l'UE, à l'exception de la République Tchèque et de la Roumanie.
La France affiche des résultats en nette amélioration depuis 2010 malgré la persistance d’inégalités territoriales fortes. La mesure du décrochage porte à la fois sur les flux annuels de jeunes sortant sans qualification du système éducatif et le stock / population de jeunes sans qualification parmi les jeunes hors formation :
- Les 18-24 ans « sortants précoces[2] » représentaient 40% de la tranche d’âge en 1980, 11,3% en 2010 et 8,9% en 2018. Cela représente un stock de 450 000 jeunes de 18 à 24 ans, et environ 550 000 à 600 000 jeunes si on élargit aux 16 à 25 ans[3]. Si leur part est en baisse (- environ 100 000 jeunes par rapport à 2006[4] pour les 18-24 ans), l’écart entre les femmes et les hommes s’est accru, à la défaveur des hommes, passant de 2,1 points en 2014 à 4 points en 2018.
- Ce stock de sortants précoces est alimenté par un flux annuel de 90 000 jeunes sortants de formation initiale sans qualification (brevet ou aucun diplôme, dont 40 000 sans aucun diplôme), soit 12% des sortants de formation initiale[5].
Les coûts associés au décrochage d'un jeune, cumulés sur la durée, ont été évalués pour la France à 230 000 euros pour chaque élève ayant décroché, soit près de 30 milliards de dette contractée chaque année[6]. Le taux de chômage des non-diplômés sortis de formation initiale depuis 1 à 4 ans s’élève à 48,4% contre 8,8% dans le supérieur[7].
Dans le supérieur qui affiche une forte progression du nombre d’étudiants (+10% sur les 5 dernières années), le décrochage est également particulièrement fort dans certaines filières, et pour les bacheliers issus des filières technologiques et plus encore professionnelles :
- 85% des bacheliers professionnels et 72% des bacheliers technologiques ne sont plus inscrits en Licence la troisième année contre 34% des bacheliers généraux.
- Seuls 28% des étudiants obtiennent leur Licence 3 ans après leur première inscription dans ce cursus et 40% après 3 ou 4 ans.
- Si plus de la moitié des bacheliers généraux obtiennent leur Licence au bout de 3 ou 4 ans, les bacheliers technologiques ne sont que 20% dans ce cas et les bacheliers professionnels 7% seulement.
La crise sanitaire actuelle et les mesures successives de confinement et d’adaptation des rythmes scolaires risquent d’accroitre sensiblement le phénomène de décrochage scolaire. L’Éducation nationale estimait fin avril 2020 de 5% à 10% (soit 600 000 élèves a minima) le nombre d’élèves avec qui les établissements n’étaient plus en contact, avec une proportion beaucoup plus élevée dans les zones difficiles, type REP/REP+. Sont aussi concernés, les néo-bacheliers de 2020, pour qui l’entrée dans le supérieur est une transition encore plus difficile que pour leurs prédécesseurs, ainsi que les jeunes étudiants dans les premières années d’université ou d’autres cursus post-bac, surtout ceux de milieu modeste, qui ont souffert plus que leurs pairs de la crise du printemps, se trouvant parfois sans ressources, décrochés de leurs études, avec un accès limité aux bibliothèques universitaires selon les périodes.
Aussi, comme le rappelle les différentes études[8], plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour appréhender le décrochage scolaire : le milieu socio-économique de l’élève, sa relation avec le système scolaire (difficultés scolaires précoces, expériences négatives, contexte scolaire difficile…) ou encore le contexte territorial dans lequel vit le jeune.
La lutte contre le décrochage est sans nul doute un phénomène complexe dont les réponses ne sont ni simples ni uniques mais nécessitent une prise en compte à la fois globale (ne touchant pas uniquement la sphère scolaire) et individualisée (tenant compte de chaque cas particulier).
Quatre facteurs de réussite sont pointés par les acteurs de la lutte contre le décrochage scolaire :
- permettre une (re)prise de confiance en soi et une confiance mutuelle,
- encourager la motivation du jeune,
- personnaliser les accompagnements proposés,
- favoriser la complémentarité entre des actions engagées dans les différentes sphères dans lesquelles évoluent le jeune (sphères scolaire, familiale, ludo-éducative, sportive, musicale…).
Pour encourager les actions en faveur de ces publics, l’Union européenne s’est fixé pour objectif, dans sa stratégie Europe 2020, de réduire les taux de décrochage scolaire dans l’UE à moins de 10% d’ici 2020. Défi relevé pour la France et pour plusieurs de ses voisins européens !
[1] Chiffres pour l’Union européenne - Source Eurostat, 2020
[2] Part de sortants précoces : indicateur UE 2020 renvoyant à un stock, celui des jeunes de 18-24 ans, en dehors de tout système de formation et qui détiennent au plus le diplôme national du brevet
[3] Cour des Comptes ; Rapport - Les dispositifs et les crédits mobilisés en faveur des jeunes sortis sans qualification du système scolaire ; 2016
[4] ] CNESCO ; Etat des lieux du décrochage scolaire,
[5] MENJ-MESRI-DEPP ; Etat de l’école 2019 ; moyenne 2015-2017
[6] Selon l'étude BCG/MENJVA « Lutte contre le décrochage scolaire : Coûts et bénéfices associés à la lutte contre le décrochage scolaire », 2012
[7] Enquête Emploi INJEP ; les chiffres clefs de la jeunesse
2.Un enjeu communautaire face à des situations hétérogènes – une illustration d’actions conduites en Italie, à Chypre et au Portugal dans le cadre du FSE et d’actions menées dans le cadre de la coopération européenne
Aujourd’hui, seize États membres de l’Union Européenne ont déjà atteint l’objectif fixé par la stratégie Europe 2020 consistant à faire passer le taux de décrochage scolaire sous les 10% : la France mais aussi l'Autriche, la Belgique, la Croatie, Chypre, le Danemark, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Slovénie et la Suède. L’Allemagne (10,3%) en est très proche, et l’Italie a connu une baisse importante, passant de 20,4% en 2006 à 13,5% en 2019, et dépassant ainsi son objectif national qui était de 16%
En 2018, la plus forte proportion de départs anticipés de l’école a été enregistrée en Espagne, à Malte, en Roumanie, en Italie, en Bulgarie, en Hongrie, au Portugal, en Estonie et au Royaume-Uni. Certains Etats membres d’Europe du Sud, tels que le Portugal, l’Espagne et Malte, ont toutefois connu une forte baisse du décrochage scolaire.
Par rapport à 2006, la proportion de jeunes ayant quitté prématurément l’éducation et la formation a diminué en 2019 dans tous les États membres[1], à l’exception de la République Tchèque (où elle est passée de 5,1% à 6,7%) et de la Slovaquie (de 6,6% à 8,3%). En 2019, les proportions les plus faibles de jeunes ayant quitté prématurément l’école ont été observées en Croatie (3,0%), en Lituanie (4,0%), en Grèce (4,1%), Slovénie (4,6%), en Irlande (5,1%) et en Pologne (5,2%), tandis que les taux les plus élevés ont été enregistrés en Espagne (17,3%), à Malte (16,7%) et en Roumanie (15,3%).
Pour comprendre un peu mieux qui sont ces jeunes, Eurostat a mené une étude pour la Commission européenne en 2016[2]. En Espagne, en Lettonie, à Malte et à Chypre, le décrochage scolaire touche plus particulièrement les garçons plutôt que les filles. D’autre part, dans l’Union européenne, le taux de décrochage des personnes nées à l’étranger est près de deux fois plus élevé que celui des personnes nées dans le pays concerné.
[1] Etats membres pour lesquels la série chronologique est disponible
[2] Evaluation of the ESF support to Education and Training -Thematic Objective 10 - https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/10749949/3-22042020-BP-FR.pdf/cc6d3d85-7a4f-b3f7-fddc-556ebdb55774
I. L'exemple de l'Italie
- La situation au niveau national
L’Italie faisait partie des pays européens présentant un des plus forts taux de décrochage. En 2019, il restait au-dessus de l’objectif européen fixé à 10% mais il a connu une forte diminution en l’espace de dix ans.
Focus sur la Région des Pouilles et le projet Diritti a scuola
La région italienne des Pouilles a bénéficié du FSE pour accroître les niveaux d'éducation et de formation et améliorer les chances de réussite des enfants et des jeunes. Une de ses ambitions principales était de réduire le taux de décrochage scolaire précoce des enfants dans cette région où le taux d'abandon est plus élevé que la moyenne nationale.
Nom du projet : Diritti a scuola Fond : FSE Objectif Thématique : Investir dans l’éducation, les compétences et l’apprentissage tout au long de la vie Période de programmation : 2014-2020 Durée du projet 03/2016 – 11/2016 Investissement UE 30.000.000 € |
Le projet Diritti a scuola est fondé sur une approche préventive de lutte contre le décrochage scolaire. Il cible en priorité les élèves des écoles primaires et ceux terminant leurs deux premières années d'enseignement secondaire. Une attention particulière est également accordée aux enfants handicapés et aux jeunes issus de milieux défavorisés.
Le projet a bénéficié de 30 millions d'euros (FSE) par an pour contribuer à la mise en œuvre de deux actions principales :
- l'amélioration des études linguistiques et scientifiques dans les écoles primaires et le développement de l'apprentissage de l'italien et des mathématiques dans les écoles secondaires.
- Diritti a scuola a également proposé aux élèves et à leur famille des services de conseil et d'orientation pédagogique et professionnelle, ainsi qu'une médiation interculturelle.
L’ensemble des acteurs pédagogiques (chefs d'établissements et enseignants) a contribué à cette opération.
Le taux de décrochage scolaire dans les Pouilles est passé de 30,3% en 2004 à 19,5% en 2011 avant de passer sous la barre symbolique des 18% en 2019 (17,9%). Si des progrès significatifs ont été accomplis au niveau régional, le taux d’abandon scolaire reste au-dessus de la valeur moyenne nationale (13,5% en 2019). Le projet Diritti a scuola a ainsi été reconduit en 2017 et 2018.
Sources :
https://por.regione.puglia.it/-/diritti-a-scuola-1-2016
http://www.sistema.puglia.it/portal/page/portal/SistemaPuglia/dirittiascuola2016
https://ec.europa.eu/regional_policy/en/information/videos/1564
http://dati.istat.it/Index.aspx?QueryId=26185
Contact : Antonio Montillo - a.montillo@regione.puglia.it
II. L'exemple de Chypre
- La situation au niveau national
Chypre fait partie des pays européens ayant atteint l’objectif fixé par la stratégie Europe 2020 consistant à faire passer le taux de décrochage scolaire sous les 10 %, avec un taux de 9,2% en 2019.
- Le projet DRASE (FSE)
Le projet DRASE « DRAsis Sholikis ke kinonikis Entaxis » se déroule dans une centaine d’écoles du pays et comprend toute une série de mesure afin de lutter contre le décrochage scolaire et l’exclusion sociale des jeunes. Ce projet inclut des programmes d’apprentissage et de créativité, des programmes de formation destinés aux équipes éducatives mais aussi la mise en place de centres d’information et de soutien « socio-émotionnel ».
Nom du projet : DRASE Fond : FSE Objectif Thématique : Période de programmation : 2014-2020 Durée du projet 2015 - 2023 Investissement total 36 000 000.00 EUR Investissement UE 29 000 000.00 EUR |
Selon le coordinateur du projet, l’appui du FSE a permis au ministère de l’éducation chypriote de développer des programmes d’accompagnement innovants et multi niveaux permettant à la fois d’accompagner les élèves et leurs familles mais aussi les équipes pédagogiques.
L’ambition du programme est non seulement de réduire les taux d’échec et de décrochage scolaire mais aussi d’aider les familles les plus modestes et/ou en difficulté. 15,6% des élèves chypriotes bénéficient aujourd’hui du programme DRASE.
Sources :
https://ec.europa.eu/esf/main.jsp?catId=46&langId=en&projectId=3621
https://ec.europa.eu/esf/www.moec.gov.cy
Contact : Dimos Anastasiou - danastasiou@schools.ac.cy
III. L'exemple du Portugal
- La situation au niveau national
Le Portugal est un des pays européens ayant connu une réduction significative du décrochage scolaire au cours des dix dernières années.
Le programme « Capital Humano », financé par le FSE, vise à améliorer la qualité de l'éducation et de la formation au Portugal. Il a pour ambition de réduire le taux d'abandon scolaire et de promouvoir l'égalité, la cohésion sociale et le développement personnel tout en renforçant la compétitivité économique au Portugal. « Capital Humano » s'inscrit dans le cadre de la stratégie « Portugal 2020 », qui a pour objectif de faire correspondre les qualifications des individus avec les besoins du marché du travail au niveau national et européen.
En parallèle, le Portugal a également lancé toute une série de mesures afin de lutter contre le décrochage scolaire. Tout d’abord, l’enseignement obligatoire a été porté à 18 ans (depuis 2009) et la formation et l’accompagnement des enseignants ont été renforcés. De plus, un système de classes de « seconde chance » a été mis en place afin d’aider les élèves les plus en difficulté.
- Focus sur l’école de la seconde chance de Matosinhos (Région Nord, Grand Porto)
L’école de la seconde chance de Matosinhos offre par exemple un programme de formation pédagogique, mas aussi artistique et centré sur le développement personnel des élèves. Les bénéficiaires sont les jeunes âgés de 15 à 25 ans qui ont quitté prématurément l’école sans obtenir leur diplôme. L’école a bénéficié du soutien du Fonds social européen et est cofinancé par le Ministère de l’éducation portugais, par la ville de Matosinhos et par l’Institut pour l’emploi et la formation professionnel. Cette école est membre du réseau européen des Ecoles de la Seconde Chance.
Contacts : Luis Mesquita - almesquita@gmail.com ; Antonio Correia Pinto -antonio.correia.pinto@cm-matosinhos
Sources :
http://www.e2c-europe.org/component/search/?searchword=portugal&searchphrase=all&Itemid=491
https://www.segundaoportunidade.com/
IV. La coopération européenne et la lutte contre le décrochage scolaire
D’autres projets conduits en partenariat entre plusieurs Etats membres permettent également de partager des bonnes pratiques au niveau européen et d’engager des travaux communs pour mieux lutter contre le décrochage scolaire. C’est le cas du réseau méditerranéen des écoles de la 2ème chance ou encore du projet Erasmus+ Drop In.
- Le Réseau Méditerranéen des Ecoles de la 2ème chance
Le projet « Méditerranée Nouvelle Chance : un réseau pour une insertion réussie des jeunes NEETs » est cofinancé par l’AFD, la Fondation Drosos, la Coopération internationale de Monaco et l’Union Européenne à travers le programme ERASMUS +. Il vise à favoriser les échanges de bonnes pratiques et de formations entre les acteurs européens luttant contre le décrochage scolaire via les écoles de la seconde chance.
Coordonné par l’Institut Européen de Coopération et de Développement (IECD), il réunit deux associations italiennes CNOS-FAP et VIS, l’école de la 2ème chance portugaise AE2O, le réseau des écoles de la 2ème chance espagnol (E2O España) ainsi que le réseau des E2C en France. A travers 38 sessions d’échanges et de formations et cinq rencontres à l’échelle méditerranéenne, ce projet a notamment permis de réaliser un guide de bonnes pratiques en matière de lutte contre le décrochage scolaire et de mettre en commun les chiffres clés relatifs aux jeunes bénéficiaires des dispositifs du réseau.
Contact : contact@iecd.org
Sources :
https://www.iecd.org/iecd2/wp-content/uploads/2020/02/infographie_ue_fr.pdf
https://www.iecd.org/la-lettre-du-reseau-mednc/
- Le projet ERASMUS + DROP-IN
En 2014, l'Insee a publié une étude intitulée « Réduire les sorties précoces : un objectif central du programme Education et formation 2020 ». Son auteure, Florence Lefresne, chargée des questions sur les relations européennes et internationales à la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP/Ministère de l'Education nationale) souligne notamment que les réformes européennes en matière de décrochage scolaire tendent à mettre l’accent sur « la dimension préventive ». Le projet européen « DROP-IN », financé par le programme ERASMUS +, s’inscrit dans cette logique.
DROP-IN souhaite aider les jeunes avant qu’ils ne soient en situation de décrochage. L’objectif est ainsi de « les accrocher à l’école » grâce à l’utilisation d’outils et méthodes d’éducation non formels.
Ce projet est coordonné par l’association française Pistes Solidaires et réunit cinq organisations européennes et établissements scolaires venus de Lettonie, de Bulgarie, d’Italie et de Belgique. Le projet a débuté à l’automne 2018 et se terminera au premier trimestre de 2021. Il est organisé autour de cinq grandes phases : la réalisation d’un état des lieux européen sur la problématique du décrochage scolaire ; la création d’un guide de techniques d’éducation non-formelle à destination des professeurs ; la formation des professeurs à ces différentes techniques ; l’expérimentation de ces pratiques en classe ; la rédaction d’un rapport, accompagné de recommandations à destination des responsables politiques, afin de pouvoir disséminer le savoir acquis au niveau européen.
Contact : Magali Lansalot - magali@pistes-solidaires.fr
Sources :
https://drop-in.eu/fr/le-projet/
https://www.pistes-solidaires.fr/presentation/?cn-reloaded=1
3.À une échelle locale : l’exemple d’initiatives en Ile-de-France et du GIP académique en Bretagne
I. Le décrochage scolaire, une préoccupation forte en Ile-de-France
Le décrochage scolaire touche chaque année environ 20 000 franciliens sortis précocement du système scolaire sans diplôme ou après une rupture de contrat d’apprentissage. Grande cause régionale en Ile-de-France depuis plusieurs années, un plan Ile de France a été adopté et réactualisé à échéances régulières (dont une dernière édition en 2018). Dans ce cadre, la région Ile de France a fait le choix de mobiliser une partie de l’enveloppe régionale FSE autour des défis suivants : le repérage les jeunes en risque ou en situation de décrochage, une meilleure connaissance des causes du décrochage ; et celui de la mise en place des actions spécifiques de raccrochage, en amont et en aval du décrochage et de la coordination des acteurs de terrain. L’intervention du FSE est double. Elle vise :
- D’une part, à diminuer le nombre de jeunes menacés de décrochage scolaire ;
- Et d’autre part, à augmenter le nombre de jeunes ayant raccroché vers l’enseignement ou une formation adéquate.
Elle répond à un objectif d’allier à la fois une approche préventive et une approche curative et de toucher à la fois les jeunes mais aussi leur entourage (avec en premier lieu les familles).
Le programme opérationnel FEDER-FSE Ile de France pour la période 2014-2020 mobilise le Fonds social européen afin de « diminuer le nombre des sorties sans qualification des jeunes de moins de 25 ans de formation initiale en particulier dans les zones les plus touchées ». Il a été privilégié une intervention du FSE dans un continuum entre les actions relevant de l’amont (prévenir, anticiper et agir avant la rupture) et celles relavant de l’aval (réparer, permettre un « raccrochage » scolaire »). Doté d’une enveloppe actuellement de 44 164 893€ de FSE, sa mise en œuvre présente une triple organisation :
- Une délégation de gestion à près de 80% du FSE au profit d’organismes intermédiaires : GIP académiques de Paris, Versailles et Créteil ;
- Une approche territoriale via les ITI sélectionnés (pour 5 millions de FSE) ;
- Un appel à projets lancé par la région sur les trois typologies d’action retenues dans le PO.
La crise sanitaire que nous traversons depuis le printemps 2020 a augmenté le nombre de décrocheurs pour cette année et a fragilisé nombre d’élèves et d’étudiants. Tous les acteurs essaient d’être le plus vigilant possible pour ne pas accroitre encore davantage le phénomène dans les prochains mois.
II. Des initiatives couvrant différentes facettes de la lutte contre le décrochage
- Un exemple de projet de prévention vis-à-vis des plus jeunes, à travers la musique
Le GIP FCIP de Créteil, en partenariat avec la Mairie et le conservatoire de Bondy, a souhaité développer un projet de prévention du décrochage scolaire et de renforcement de la réussite scolaire, à travers un projet de pratique d’excellence de la musique en cycle 3 (CM1-6ème). Ce projet de prévention allie des actions d’accompagnement vers la transition inter-degrés (primaire-collège) et des actions favorisant le développement de l’apprentissage. Ainsi, le projet vise à :
- Favoriser une poursuite des parcours scolaires entre l’école primaire et le collège en valorisant davantage le collège via un projet d’excellence (et ainsi empêcher l'évitement du collège de secteur en diminuant les demandes de dérogations) ;
- Améliorer les résultats scolaires des élèves (évaluations CM2 et 6ème) et la formation des enseignants.
- Élargir les conditions d’accès à la culture, notamment en motivant les élèves pour s'inscrire dans l’antenne de Bondy Nord du conservatoire municipal.
- Et plus globalement, améliorer le climat scolaire en diminuant le nombre de signalements d'incidents à l'école et au collège.
La musique est un axe important du projet d’éducation prioritaire (avec notamment la mise en œuvre du parcours artistique et culturel) ainsi que du projet de l’école Olympe de Gouges de Bondy. Des expériences conduites par l’école avaient déjà démontré l’impact fort de la musique sur la réussite des élèves et sur le décrochage scolaire, mais son caractère limité (seuls quelques élèves étaient concernés) a montré d’élargir la démarche à un plus grand nombre de jeunes pour un effet plus systémique.
Ainsi, à partir de 2018, c’est l’ensemble des élèves de CM1 et CM2 de l’école primaire sans distinction et les élèves de 6ème du collège de secteur qui ont pu bénéficier des actions proposées, soit 172 jeunes au total.
Nom du projet : Instruments de musique, instruments d’apprentissages Porteur de projet : GIP-FCIP CAFOC de l’académie de Créteil Fonds : FSE Période de programmation : 2014-2020 Durée du projet 01/01/2018 au 30/06/2020 Investissement total : 253 000 € Investissement UE 126 823,70 € (49,95%) de FSE |
Les enfants accompagnés dans le cadre de cette opération ont réalisé un spectacle. En parallèle, deux documentaires ont été produit :
- L’un en immersion qui évoquera la philosophie du projet et sera à visée esthétique
- L’autre réalisé par le conseiller pédagogique sur l’expérimentation pédagogique.
Les effets du projet sont de différentes natures. Ils se mesurent à la fois sur :
- La diminution du taux de demande de dérogation entre le CM2 et la 6ème (36% de demandes contre 65% deux ans auparavant) du fait notamment d’une meilleure image du cadre scolaire, mais aussi sur les résultats obtenus aux évaluations de 6ème ainsi que sur la diminution du nombre de signalements d'incident en 6ème.
- L’apprentissage de la musique avec 12% des élèves inscrits au conservatoire.
- Les méthodes pédagogiques générées par le projet lui-même (porté par différents enseignants en dehors des professeurs de musique) et de façon associée (enseignement différencié pour intégrer le projet).
Contact : Sandrine Palagonia - palagonia.sandrine@gmail.com
- Un exemple de projet pour permettre à des jeunes décrocheurs de trouver une formation qui leur convient : Avenir Pro
En 2018 en Seine-et-Marne, environ 400 jeunes de 16 à 20 ans ont quitté le système scolaire prématurément et 600 mineurs de 16 ans et plus sont sans qualification. Pour ces derniers, le temps est compté puisqu’au-delà de 18 ans, ils ne bénéficieront plus d’un hébergement et /ou de ressources financières leur permettant de s’inscrire dans une scolarisation ou un parcours de formation.
Pour ces deuxtypes de publics, les parcours de formation scolaires apparaissent trop longs et trop contraignants. Sans ressources et parfois sans domicile, ils ne pourront pas s’intégrer socialement et risquent de se retrouver dans la marginalité, voire la délinquance.
Le GIP FCIP de Créteil(pour la DSDEN de Seine-et-Marne), en partenariat avec le SAIO du rectorat, le service de l'Aide Sociale à l'Enfance et la DIRECCTE de Seine et Marne, a monté un projet visant à permettre :
- A au moins 90% des jeunes entrés dans le dispositif de suivre une formation et d'obtenir un niveau suffisant pour intégrer un CFA ou obtenir une certification de niveau V avant leurs 18 ans.
- Aux jeunes déscolarisés d’intégrer une démarche de re-scolarisation ou d'acquisition d'une certification de niveau 5 dans un délai très court (moins de 8 mois).
- A au moins 80% des jeunes passés par la formation continue, l'insertion dans un emploi ou en contrat d'alternance après la formation (contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, CDD de plus de 6 mois, CDI, contrat d’intérim avec une structure d’intérim).
Le projet s’est organisé de la façon suivante :
- Repérage des jeunes et accompagnement dans le cadre des actions de la mission de lutte contre le décrochage scolaire ;
- Positionnement sur un projet professionnel ;
- Bilan social réalisé par des assistantes sociales.
Dans le cadre de ce projet, la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) a accompagné 156 jeunes à travers :
- La scolarisation en action de remobilisation, soit en formation initiale soit en apprentissage.
- Des entretiens réguliers de suivi et d’accompagnement pour les jeunes à besoins particuliers (demande de bourse, hébergement, droit à prise en charge médicale…)
- L’accompagnement à la construction du projet scolaire et professionnel.
Cette action propose donc une prise en charge quotidienne à plein temps dans une des actions de remobilisation, par des équipes de professeurs, référents d'action et coordonnateurs MLDS ainsi qu’un suivi social régulier.
En parallèle, 36 jeunes ont été formés par deux organismes de formation, visant, selon les formations, un des titres professionnels suivants :
- Titre professionnel Menuisier aluminium[1] ;
- Titre professionnel Agent Magasinier[2] ;
- Titre professionnel Maçon[3].
Des certifications intermédiaires ont également été organisées : SST (Sauveteur Secouriste du Travail) dans les 3 formations, les CACES 1 et 3 (R389 catégories 1 et 3 - conduite de chariots dans le secteur de la logistique) dans le cadre de la formation "Agent magasinier", l'habilitation échafaudage (travail en hauteur R408) dans le cadre du titre professionnel "Maçon".
Pour ces 36 jeunes, un accompagnement aux techniques de recherche d'emploi leur a également été proposé avec une alternance de séances de groupe et d’entretiens individuels : élaboration du CV et de lettres de candidature, préparation à l'entretien d'embauche, initiation à la recherche d'emploi sur internet et à la gestion d'une messagerie.
Ce sont au total 156 jeunes de 16 à 20 ans en situation de décrochage scolaire qui ont été accompagnés :
- 98% d’entre eux ont suivi une formation et obtenu un niveau suffisant pour intégrer un CFA ou obtenu une certification de niveau V
- Sur les 36 jeunes formés, 18 ont reçu une certification à la fin de leur formation, et 11 ont obtenu une certification partielle.
- Parmi ces 36 jeunes, 6 ont validé un CACES (certificat d’aptitude à la conduite en sécurité) et 11 ont validé une habilitation et l'attestation sauveteur secouriste du travail.
- Enfin, 16 jeunes ont trouvé un emploi (3 CDD ; 13 CDI) et 13 jeunes sont en apprentissage.
Nom du projet : Avenir pro Porteur de projet : GIP FCIP de Créteil pour la DSDEN de Seine-et-Marne Fonds : FSE Période de programmation : 2014-2020 Durée du projet 01/09/2018 au 31/08/2019 Investissement total : 359 000 € Investissement UE 163 000 € (45,29%) de fonds UE |
Contact : COIGNARD Gwenaëlle - cdfc77@ac-creteil.fr
[1] Mis en oeuvre par le GRETA MTI 77 à La Rochette (secteur du BTP) : 319 heures en centre, 95 heures en entreprise
[2] Mis en œuvre par le GRETA MTE 77 à Tournan en Brie (secteur de la logistique) : 455 heures en centre, 189 heures en entreprise
[3] Mis en oeuvre par le GRETA MTI 77 à Chamigny (secteur du BTP) : 455 heures en centre, 203 heures en entreprise
III – L’action des GIP académiques
Focus sur le cas du GIP Bretagne :
La prévention du décrochage scolaire au cœur des priorités du GIP académique Bretagne
La prévention du décrochage scolaire est au cœur des priorités du Groupement d’intérêt publique (GIP) académique de Bretagne. Soutien aux structures, accompagnements de jeunes en difficulté… Retours sur les projets du Fonds Social européen portés par le Groupement d’intérêt public académique de Bretagne.
Des actions concrètes pour lutter contre le décrochage scolaire
L’action du Groupement d’intérêt public dans le cadre du Programme opérationnel du FSE pour la période 2014-2020 est dédiée à la prévention du décrochage scolaire. Plusieurs actions sont déployées sur différents aspects : une action de « soutien aux structures » avec la sensibilisation des équipes à la détection des situations à risque, et une action de « soutien aux personnes » afin d’apporter aux jeunes en difficulté un accompagnement renforcé et individualisé dans le but d’éviter la survenue du décrochage.
Un plan d’animation et de formation pour la professionnalisation des personnels éducatifs a donc été déployé. Cette action en lien avec la Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire (MLDS) vise à favoriser la professionnalisation des personnels membres de la communauté éducative, en renforçant les réseaux existants. Elle propose notamment l’organisation de journées de formation, des séminaires académiques et des réunions pour créer une culture commune autour de la question de la persévérance scolaire.
900 jeunes accompagnés grâce au GIP académique de Bretagne
Des actions ont été mises en place dans les établissements scolaires afin de favoriser la remobilisation des élèves en voie de décrochage scolaire et afin d’éviter les sorties du parcours de l’école sans qualification :
• Accompagnement des établissements dans la réflexion et la mise en place des pratiques encourageant la persévérance scolaire;
• Soutien des actions innovantes dans les établissements autour de la persévérance scolaire;
• Mise en place des actions de remobilisation pour des élèves en voie de décrochage;
• Installation des dispositifs d'apprentissage du français pour des jeunes migrants;
• Organisation des dispositions de préparation et de re-préparation aux examens.
Les perspectives du prochain programme, le FSE +
Les domaines d’intervention du futur « FSE + » permettront la mise en œuvre de parcours intégrés comportant un volet d’accompagnement vers l’insertion professionnelle, ainsi qu’une prise en charge élargie des populations en situation de vulnérabilité sociale. Ainsi, la prévention du décrochage scolaire fera partie des thématiques couvertes par le futur programme.