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Europe et emploi : faire le pari des jeunes adultes, c’est possible !
Europe et emploi : faire le pari des jeunes adultes, c’est possible !
La crise économique et financière de 2008 a largement renforcé des inégalités de fait sur le marché de l’emploi, et notamment celles qui affectent les jeunes. Huit ans après, le constat reste sévère : en Europe, malgré une reprise relative, les jeunes rencontrent toujours des difficultés à entrer sur le marché de l’emploi et restent les premiers touchés par le chômage. Face à cette situation d’urgence, la Commission européenne et les Etats membres se sont mobilisés dès 2010 avec l’initiative « Jeunesse en mouvement » avant de proposer ensemble en décembre 2012 une initiative ambitieuse : la Garantie européenne pour la Jeunesse. Celle-ci s’est notamment concrétisée dans un programme de soutien dédié, l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ). Une opportunité pour chaque État membre de prendre le problème de l’emploi des jeunes à bras le corps, en déployant un plan d’actions adapté à ses spécificités et ses contraintes.
1.Le chômage des jeunes en Europe : panorama
19,1 %, c’est la part des jeunes européens (âgés de 15 à 24 ans) qui sont aujourd’hui au chômage1. Une situation particulièrement alarmante qui conduit les observateurs, dans certains pays de l’Union européenne, à parler d’une « génération perdue ». Alors qui sont ces jeunes ? Le constat est-il le même partout en Europe ? On fait le point sur la situation.
Les jeunes, inégaux face au chômage
- Les jeunes (15-24 ans, hors étudiants) les plus touchés par le chômage sont aussi les moins qualifiés. Ils sont en effet nombreux à sortir de l’enseignement secondaire sans diplôme ; difficile alors de reprendre des études, de prétendre à une qualification professionnelle ou de trouver un emploi. La France n’est pas épargnée ! Le taux de chômage des jeunes non-diplômés est en effet presque 3 fois plus élevé que celui des jeunes possédant un diplôme supérieur à bac+2 (17 % vs 6 %)2.
- Autre catégorie particulièrement affectée : les jeunes femmes. Ainsi, dans certains pays de l’Union européenne comme l’Irlande, le Royaume-Uni ou la France, les jeunes femmes sont plus souvent déscolarisées précocement et mettent davantage de temps à trouver un premier emploi durable.
- Enfin, les jeunes immigrés ou nés de parents immigrés ont globalement un niveau d’études moins élevé : près d’un quart sont sans diplôme à la fin de leur scolarité (contre 13 % pour les jeunes descendants d’immigrés et 7 % pour les jeunes non issus de l’immigration). Les discriminations à l’embauche accentuent cette difficulté à s’insérer dans le marché de l’emploi4.
28 pays… 28 situations bien différentes
L’Europe, et ses Etats membres, ont fait de la lutte contre le chômage des jeunes une préoccupation majeure. A l’échelle européenne, un enjeu est clairement identifié par la Commission européenne et le Conseil européen : prendre en compte les disparités importantes entre les pays pour apporter des réponses adaptées tout en proposant une initiative identifiable par les citoyens.
Avec 7,7 % de chômeurs parmi les jeunes, l’Allemagne fait figure de bonne élève. Inversement, la Grèce et l’Espagne connaissent les taux les plus élevés : respectivement 52,4 % et 53,3 %. D’autres pays, comme le Danemark, l’Estonie, les Pays-Bas, Malte, l’Autriche, la République Tchèque etc., affichent des taux de chômage inférieurs ou proches de 15 %1.
La France se situe dans la moyenne haute des Etats connaissant un taux de chômage élevé chez les jeunes : plus d'un jeune de moins de 25 ans sur quatre (25,8 %) était sans emploi en octobre 2016. Une tendance baissière est observée depuis le début de l’année 2016 et, en proportion, ce sont les jeunes de moins de 25 ans qui profitent le plus de la baisse du chômage de catégorie A. Leur nombre recule ainsi de 9,5 % sur un an.
Comment expliquer de tels contrastes ? Essentiellement par des différences législatives et culturelles. Dans certains pays, la législation est moins contraignante pour les employeurs, accentuant la rotation des postes et bloquant ainsi moins l’entrée des jeunes sur le marché. Autre facteur intéressant : l’existence et la promotion, ou non, de dispositifs d’apprentissage et d’alternance. Dans certains pays, ceux-ci sont tout autant valorisés que les études supérieures avec des effets notables sur le nombre d’apprentis. En Allemagne, par exemple, les jeunes en apprentissage sont particulièrement nombreux (1,5 million)5. En Autriche, l’alternance est largement favorisée par un partenariat efficace avec les universités et les entreprises ; un bon moyen de favoriser l’accès à l’emploi des jeunes en leur permettant de développer compétences et savoir-faire.
Une insertion sur le marché difficile… aux conséquences diverses pour les jeunes
En France, près de 30 % des jeunes au chômage le sont depuis plus d’un an7. Pendant cette période de chômage qui peut être décourageante, les jeunes sont exposés à différents risques : exclusion sociale, pauvreté, manque d’engagement dans la vie politique et sociale, dépendance matérielle aux parents...6 Un découragement qui les conduirait à accepter plus facilement des emplois précaires (CDD ou intérim), avec un salaire et des missions ne correspondant pas toujours à leurs attentes. Leur entrée dans la vie active peut alors être marquée par une alternance de périodes d’activité et de chômage, retardant d’autant l’acquisition d’une expérience précieuse pour prétendre à un emploi8. Confrontés à ces difficultés, il est compliqué pour eux de se projeter dans la construction d’un avenir stable.
La notion à connaître : les NEET
Cet acronyme, utilisé pour la première fois en 1999 par les Britanniques et qui signifie « Not in Education, Employment or Training », désigne les personnes qui ne sont ni en emploi, ni en études ou formation, ni en stage. Il est désormais utilisé comme indicateur privilégié pour analyser plus finement la situation des jeunes sans solution professionnelle ou sans projet de formation à court ou moyen terme en Europe.
(1) http://www.touteleurope.eu/actualite/le-taux-de-chomage-en-europe-octobre-2016.html
(2) Observatoire des Inégalités, janvier 2015
(3) Panorama de la société, OCDE, octobre 2016
(4) Jeunes et jeunes descendants d'immigrés, DARES, septembre 2014
(5) Le chômage des jeunes en 4 questions. Re.sources, décembre 2015
(6) http://www.emploiparlonsnet.pole-emploi.org/conjoncture-marche-du-travail/chomage-des-jeunes-le-risque-dune-generation-perdue-selon-le-bit - Bureau international du travail
(7) http://economic-research.bnpparibas.com/Views/DisplayPublication.aspx?type=document&IdPdf=29342
(8) Tresor Eco - Enquêtes Emploi en Continu (EEC), moyenne 2003-2010, Insee, calculs DG- Trésor
2.Quelles réponses en Europe ?
Du côté de l’Union européenne (UE), une politique volontariste en faveur de la formation et de l’emploi des jeunes a été menée par étapes depuis 2010.
Ainsi, en 2010, alors que les effets de la crise de 2008 se font encore sentir sur le taux d’emploi des jeunes, l’UE lance « Jeunesse en Mouvement », un ensemble d’initiatives en matière d’éducation et d’emploi. Le but est clair : améliorer rapidement les dispositifs de formation des jeunes et accroître leur capacité à trouver un emploi. Dans ce cadre, l’Europe :
- recommande de mieux adapter l’enseignement et la formation aux besoins réels des jeunes ;
- encourage les échanges intra-européens ;
- incite les États à simplifier le passage des études à la vie active.
En décembre 2012, à l’initiative de certains Etats membres comme la France ou l’Allemagne, la Commission européenne adopte le paquet de mesures « Emploi Jeunes » avec un dispositif emblématique : la Garantie européenne pour la Jeunesse. Son ambition ? Proposer aux jeunes européens âgés de 15 à 24 ans une « offre de qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant le début de leur période de chômage ou leur sortie de l’enseignement formel ». Ce principe est accepté par les pays membres en 2013. Chacun s’engage alors, par des actions et avec un financement qui lui sont propres, à lutter contre le chômage des jeunes. Ces offres peuvent constituer en un emploi, un apprentissage, un stage ou une formation continue. Chaque solution est adaptée aux besoins et à la situation de chacun, ce qui implique pour les structures accompagnantes un rôle renforcé de médiateur entre le jeune bénéficiaire et les solutions qui lui sont proposées.
L’Union européenne a, par la suite, décidé d’appuyer les Etats membres dans les réponses apportées à la recommandation du Conseil et d’accélérer la mise en place de la « Garantie européenne pour la Jeunesse ». Ainsi, en février 2013, elle met en place un instrument financier spécifique : l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ), un fonds spécifique abondé par le Fonds Social Européen.
Pour aller plus loin 3 minutes pour comprendre l’Initiative pour l’emploi des jeunesDans le cadre de cette politique volontariste menée à l’échelle européenne, 7 mesures sont identifiées comme prioritaires1 pour apporter des solutions efficaces et durables au problème du chômage des jeunes :
- la mise en œuvre de la Garantie pour la jeunesse
- un investissement pour les jeunes à l'aide du Fonds Social Européen
- une mise en œuvre accélérée de l'Initiative pour l'emploi des jeunes
- un soutien à la mobilité de la main-d'œuvre à l'intérieur de l'UE avec le concours d'EURES
- l'adoption de mesures consistant à encourager l'offre de contrats d’apprentissage et de stages de haute qualité et à remédier aux pénuries de qualifications afin de faciliter le passage des études à la vie active
- une accélération des réformes devant déboucher sur un véritable marché du travail européen à plus long terme
- l'adoption de mesures visant à soutenir la création d'emplois dans l'immédiat, en particulier par les PME, et à encourager l'embauche des jeunes.
(1) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - 19/06/2013 - http://ec.europa.eu/europe2020/pdf/youth_fr.pdf
3.En France, quelles actions ?
La France cherche également à utiliser au mieux les dispositifs déployés à l’échelle européenne pour appuyer ses politiques nationales en faveur de l’emploi. Ainsi, dans le cadre de la recommandation de la Commission, la France s’est attelée à construire un plan national de mise en œuvre de la Garantie européenne pour la Jeunesse. Elle opte alors pour un ciblage assez large, en ne précisant pas de catégorie spécifique parmi les jeunes NEET. Les investissements sont alors définis autour des différentes étapes du parcours d’un jeune pour un accompagnement optimisé, de son repérage à son insertion professionnelle.
En conséquence, des programmes d’intervention ont été construits, mobilisant des crédits IEJ, véritables leviers d’appui à la stratégie nationale en faveur de l’emploi des NEET. Des actions qui impliquent un travail commun entre de nombreux acteurs : Education nationale, Pôle emploi, missions locales, acteurs de l’insertion sociale…
En France, l’objectif de l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes est d’amener 365 000 jeunes vers l’emploi. L’IEJ est l’outil financier de l’Union européenne pour accompagner les Etats membres dans la mise en œuvre de leurs plans en faveur de la Garantie européenne pour la Jeunesse. Avec 310,2 millions d’euros pour la période 2014-2018, la France est le troisième pays bénéficiaire, derrière l’Espagne et l’Italie. Cette somme est doublée grâce au Fonds social européen qui complète le tour de table financier avec 310 millions d’euros supplémentaires.
L’IEJ répond aux 3 objectifs du Plan national français pour la « Garantie pour la Jeunesse » :
- le repérage des jeunes NEET, via le soutien des dispositifs existants (plateformes de suivi des décrocheurs de l’éducation nationale, service militaire adapté Outre-Mer...) et en s’appuyant sur le service public de l’emploi (notamment Pôle Emploi et les missions locales) et tous ses partenaires
- l’accompagnement suivi et personnalisé qui a pour but de faire un bilan de compétences et de fournir l’appui nécessaire à la recherche d’une solution d’emploi, de stage ou de formation, tel que prévue par la Garantie pour la jeunesse
- la facilitation de l’insertion professionnelle qui regroupe la formation qualifiante (contrat d’apprentissage, service militaire adapté dans les DOM…) et la mise en situation professionnelle (emplois d’avenir, mobilité géographique des apprentis…)
L’IEJ en France : créer un parcours du jeune vers l’autonomie et l’emploi durable
La course d’obstacles à laquelle de trop nombreux jeunes font face à la sortie de l’école, pose la nécessité de construire de nouvelles dynamiques d’accompagnement ; la réussite reposant à la fois sur les dispositifs et sur la capacité des acteurs de la jeunesse à travailler ensemble.
L’ambition est de minimiser la rupture école / emploi, en créant un continuum, véritable parcours du jeune vers l’autonomie et l’emploi durable. Pour cela, l’enjeu est double : piloter et coordonner à la fois les acteurs et les actions.
A la lumière de ces objectifs, les fonds disponibles au titre de l’Initiative pour l’emploi des jeunes ont donc été répartis entre :
- 1 Programme Opérationnel national IEJ, géré par la Direction générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), avec :
- un volet central visant à financer de grands dispositifs nationaux
- un volet déconcentré mis en œuvre par les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte)
- 12 Programmes opérationnels régionaux gérés par les Conseils régionaux des territoires éligibles à l’IEJ
Les territoires éligibles (13 régions et 3 départements) : Aquitaine, Auvergne, Centre, Champagne-Ardenne, Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, Mayotte, Bouches-du-Rhône, Haute-Garonne et Seine-Saint-Denis.
Quels sont leurs champs d’actions ? Le PO national couvre principalement les initiatives liées à la promotion de l’emploi, au soutien à la mobilité et à la promotion de l’inclusion sociale et la lutte contre la pauvreté. De leurs côtés, les PO régionaux ont davantage vocation à porter les dépenses liées à l’éducation, les compétences et la formation tout au long de la vie.
A noter : la France est allée très vite dans la définition de son plan d’actions. Le PO national IEJ a en effet été le premier de l’UE à être validé par la Commission européenne en juin 2014. Les PO régionaux ont été validés en décembre de la même année.
Des sorties positives pour les jeunes NEET dans un cas sur deux
Pour l’Initiative pour l’Emploi des Jeunes, parmi les 750 opérations financées, on trouve des parcours individualisés et personnalisés vers l’emploi. Beaucoup d’entre elles sont positives, avec un partenariat étroit entre l’Etat et les conseils régionaux ainsi que des actions innovantes d’associations ou de centres d’action sociale, pour aller chercher des jeunes peu connus du service public de l’emploi. Fin 2016, ce sont déjà 215 000 jeunes qui ont bénéficié des projets européens, dont 55 % sont sortis des opérations avec un emploi (33 %) ou une formation (14 %) à la clé. Autre fait remarquable, on note une trajectoire d’insertion durable puisque le taux d’emploi atteint 50 %, 6 mois après la sortie des opérations (sur le programme national IEJ). Dans 80 % des cas, l’emploi occupé à 6 mois est un emploi de qualité (temps complet, CDI ou CDD + 6 mois, rémunération supérieure au SMIC, qualification du poste correspondant aux qualifications de la personne).
Des initiatives vont continuer à se déployer pour atteindre les 365 000 jeunes ayant bénéficié d’une action à fin 2018, dont 300 000 au titre du programme national.
(1) Etude réalisée par la société de conseil Mckinsey sur les causes du chômage des jeunes en Europe - https://www.euractiv.fr/section/commerce-industrie/news/mckinsey-analyse-les-causes-du-chomage-des-jeunes-en-france/
(2) La Garantie Jeunes, site du Premier Ministre - http://www.gouvernement.fr/action/la-garantie-jeunes