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La diversité en entreprise, source de richesses et levier de performance

27.04.2017

La diversité en entreprise, source de richesses et levier de performance

Depuis plus d’une dizaine d’années, de nombreuses entreprises évoquent les politiques dites « de diversité »1 dans lesquelles elles se sont engagées. Un terme vaste qui désigne toutes les stratégies visant non seulement à lutter contre les discriminations, mais aussi à faire des différences entre les collaborateurs un levier de performance pour l’entreprise. 
Ces stratégies, souvent mises en place suite au renforcement règlementaire à l’œuvre depuis le début des années 2000, en particulier à l’échelle européenne, répondent de plus à des impératifs de responsabilité sociale et de réputation. Comment les entreprises françaises perçoivent-elles aujourd’hui les questions de diversité ? Quelles sont leurs obligations ? Quelles actions sont mises en place ? Tour d’horizon d’un concept plus protéiforme qu’il n’y paraît.

1.Diversité en entreprise, de quoi parle-t-on ?

La diversité, concept parfois fourre-tout et sujet à nombre d’interprétations, mérite d’être définie. Selon le Larousse, elle est cet « ensemble des personnes qui diffèrent les unes des autres […] et qui constituent la communauté à laquelle elles appartiennent ». Une notion qui concerne donc tout particulièrement les entreprises, petites ou grandes. Plus concrètement ? On parle de diversité pour évoquer les questions d’égalité sur le lieu de travail mais aussi dans l’accès à l’emploi. L’enjeu de diversité, plus large que la seule lutte contre les discriminations, concerne ainsi très clairement les entreprises dans leurs processus de recrutement, mais aussi dans leur gestion des ressources humaines (carrières, salaires, accès à la formation professionnelle, etc.) : « Gérer la diversité c’est réfléchir à la manière d’optimiser les potentiels multiples au sein de l’entreprise »2.

De quand date la prise en compte de ces enjeux dans le domaine professionnel ? La question a d’abord été soulevée aux États-Unis, autour du sujet de la lutte contre les discriminations dans l’entreprise : le sujet est alors repris par le gouvernement américain dans les années 1960 et un titre du Civil Rights Act de 1964 lui est consacré. 

Après les premières politiques d’affirmative action (« discrimination positive »), la lutte contre les discriminations prend de l’ampleur. La loi française notamment la replace au cœur des enjeux du monde professionnel dès les années 1980. Le code pénal reconnaît aujourd’hui3plus d’une vingtaine de motifs de discrimination parmi lesquels l’origine, l’âge, le sexe, le lieu de résidence, le handicap, l’orientation sexuelle, l’âge, l’appartenance ethnique ou encore la vulnérabilité de la situation économique.

Évolutions sociétales de fond (féminisation du marché du travail, poids grandissant des personnes ayant une ascendance migratoire, vieillissement de la population4) et mise du sujet à l’agenda politique aidant, les discriminations gagnent en visibilité et la prise de conscience s’accroit : 91 % des responsables des Ressources Humaines français disent observer des discriminations dans leur entreprise5, principalement en lien avec l’âge (55 %), mais aussi, pour plus d’un cinquième d’entre eux, autour de l’origine, l’apparence physique, l’appartenance ethnique, le handicap et le sexe. 

Cette prise de conscience reste cependant encore fragile et donne rarement lieu à des actions concrètes et formalisées. 

10 %

des responsables RH identifient la prévention des discriminations comme prioritaire5

11 %

seulement ont clairement défini et mis en œuvre une politique en faveur de la diversité dans les recrutements5

2.Entreprises et diversité : quel(s) liens(s) ?

La mise en place de politiques de diversité ne va pas de soi. Les entreprises en sont conscientes : les facteurs de motivationdépendent avant tout de facteurs personnels (c’est-à-dire l’implication des dirigeants) ou de contraintes (application des obligations légales qui ont fortement cru depuis les années 1990). 

Et du côté des bénéfices ? En haut du podium, on retrouve les gains en termes d’image suivis de la facilitation des recrutements puis de l’émulation créée au sein des équipes.

Les différences, source de performance 
Les politiques de diversité en entreprise ont un objectif : faire des différences entre salariés des atouts pour l’entreprise. Au-delà des questions de responsabilité sociale, la gestion de la différence s’affiche ainsi comme une source de richesse, y compris au sens littéral : les bénéfices des politiques de diversité sont ainsi attendus, de manière détournée ou beaucoup plus directe, sur la performance économique.
En termes d’atouts pour la compétitivité de l’entreprise et sa capacité à conquérir de nouveaux marchés, l’intégration de jeunes diplômés d’origine étrangère, par exemple, apporterait différents avantages7.

  • Améliorer la compréhension de certains produits ou marchés : recruter des salariés représentatifs de la diversité de ses clients permet de mieux les comprendre, d’accroître ainsi leur satisfaction et, par répercussion, de les fidéliser.
  • Favoriser l’innovation et la créativité : en science managériale, les études s’accordent à dire  que la résolution de problèmes est facilitée par la complémentarité des profils et la présence dans les équipes de modes de pensée variés (liés à une formation et/ou à une culture différente).
  • Faciliter le développement à l’international, en se dotant d’éléments maîtrisant non seulement une langue étrangère mais aussi des codes culturels différents.

En ce qui concerne la performance des organisations, la diversité est également perçue comme un atout. 

  • La valorisation des différences est source de cohésion interne, elle renforce la motivation des salariés ainsi que la fierté d’appartenance et l’implication… et donc, au final, l’efficacité globale de l’organisation.
  • En évitant le règlement potentiel de contentieux (litiges aux Prud’Hommes, par exemple) et en allégeant les procédures de recrutement (lutte contre la pénurie de main d’œuvre, par l’accès à davantage de canaux et à des sources de compétences plus directement disponibles), les politiques RH de diversité peuvent avoir un impact financier direct.
  • Les politiques de diversité ont un effet positif en termes d’attractivité, de fidélisation et de rétention des talents : la reconnaissance de profils jusque-là discriminés permet de travailler avec des collaborateurs plus fidèles et loyaux à l’égard de leur employeur.

Coûts de productivité, points de PIB : le coût des discriminations enfin mesuré
De nombreuses études (menées par l’Insee, l’Ined ou encore le Cepremap) démontrent l’existence de discriminations. Le rapport « Le coût économique des discriminations », produit par France Stratégie8, est quant à lui une première en Europe : en plus d’insister sur le fait que l’écart de salaire moyen entre hommes et femmes (évalué à 12 %), n’a pas évolué en près de 25 ans, il apporte un éclairage sur l’impact à la fois micro et macro-économique des discriminations. Différents scénarios ont été établis et permettent d’évaluer le gain potentiel de PIB. 
La réduction des écarts de taux d’emploi et d’accès aux postes élevés entre d’une part les groupes identifiés comme discriminés (femmes, personnes ayant une ascendance migratoire, personnes vivant en Zone Urbaine Sensible, personnes déclarant un handicap) et, d’autre part, le groupe référent non discriminé, permettrait :

  • un gain de 6,9 % du PIB, soit l’équivalent de 150 milliards d’euros pour l’année 2015 (ce gain provient de l’augmentation de la population active, de la réduction du coût du travail et de l’augmentation de la performance globale de l'économie par une meilleure allocation des talents), 97 % de ce gain provenant de la seule réduction de la discrimination à l’égard des femmes ;
  • un gain en conséquence de 2 % sur les recettes publiques, plus une réduction de 0,5 % des dépenses.

> Consultez tous les résultats de l’étude 

Pour dépasser les blocages, faire de la diversité une stratégie
Plusieurs points de blocage demeurent et expliquent la persistance de certaines situations, en particulier autour de la place des femmes dans l’entreprise – non-mixité et plafond de verre en tête. Le poids des stéréotypes et des préjugés, inconscients ou résultant d’habitudes difficiles à bouleverser, est le frein le plus identifié par les grandes entreprises françaises9, dont le pouvoir d’action est limité par leur organisation, souvent décentralisée, y compris à l’international. 
Seniors moins productifs que les juniors et plus chers, travailleurs handicapés moins performants, femmes plus absentes que les hommes… ce sont ainsi autant de préjugés qui sont battus en brèche par le travail de plusieurs organisations10. Résultat : confortées par les bons résultats rencontrés par les entreprises qui ont initié des actions, des bonnes pratiques émergent pour déployer des politiques de diversité efficaces, articulées autour de plans d’action concrets impliquant l’ensemble des collaborateurs11.

  • Faire de la politique d’égalité une stratégie d’entreprise.
  • Diagnostiquer les discriminations et évaluer la politique d’égalité.
  • Diffuser la politique d’égalité pour une appropriation à tous les niveaux de l’entreprise.
  • Sécuriser les procédures de ressources humaines.
  • Responsabiliser les managers.
  • Impliquer les acteurs du dialogue social.
  • Inclure les salariés et leurs réseaux.
  • Agir pour l’égalité professionnelle femmes/hommes.

3.Quelles actions en faveur de la diversité ?

Les politiques de diversité engagées par les entreprises sont soutenues et encouragées par les pouvoirs publics, de 2 façons : 

  • via la production de règles,
  • par l’accompagnement pratique à leur mise en œuvre.

L’Europe, échelle privilégiée des actions pro-diversité 
Deux directives encadrent depuis 2000 le principe d’égalité de traitement entre les personnes, d’une part sur la question de l’origine ethnique12, d’autre part spécifiquement en matière d’emploi et de travail13. Progressivement mises en œuvre par les États membres14, ces directives ont été accompagnées d’objectifs-cadres fixés à l’échelle européenne en matière de lutte contre le décrochage scolaire et contre la pauvreté, déterminants sociaux majeurs des discriminations. 

Ce volontarisme se matérialise aussi dans l’action du Fonds Social Européen. La programmation pluriannuelle en cours (2014-2020) a clarifié et fait monter en puissance les actions mises en œuvre, notamment dans les 33 programmes opérationnels existant en France. 

Chacune des autorités de gestion (l’État et les régions) s’est ainsi doté en amont d’une stratégie autour d’un nombre restreint de priorités, adaptées aux problèmes les plus criants sur chacun des territoires en question. Chaque autorité a notamment pu définir des groupes cibles, qu’elle considère comme spécifiquement exposés aux discriminations. 
La Commission européenne a par ailleurs défini 3 principes horizontaux prioritaires, considérés comme fondamentaux et sur lesquels les projets financés doivent porter de manière spécifique : outre le développement durable, on retrouve deux principes relatifs à l’égalité et à la prise en compte de la diversité : l’égalité entre les femmes et les hommes et l’égalité des chances et la non-discrimination.
 

En savoir plus sur les principes horizontaux

Enfin, des indicateurs dédiés permettent de suivre la mise en oeuvre des opérations du FSE et notamment les questions de diversité : ainsi, tous les indicateurs de suivi du FSE sont sexués ce qui permet de vérifier la prise en compte de l’égalité hommes/femmes (exemple : une cible spécifique relative au nombre de créatrices accompagnées figure dans les opérations de soutien à la création d’entreprise), par ailleurs, des actions spécifiques sont consacrées au développement de l’égalité salariale et professionnelle avec un indicateur dédié. Enfin des indicateurs transversaux concernent spécifiquement les handicapés mais aussi les migrants, les personnes d’origine étrangère et les minorités, notamment les ROMS. 

Les principales obligations des entreprises en matière de diversité
La loi française soumet enfin les entreprises à plusieurs obligations.

  • Non-discrimination15 : l’employeur ne peut baser ses décisions que sur le critère de la compétence professionnelle.
  • Egalité professionnelle16 et emploi des seniors17  : les entreprises d'au moins 50 salariés s’exposent à une pénalité équivalent à 1 % de la masse salariale lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord en la matière (accord de branche, de groupe ou d'entreprise ou, à défaut, un plan d'action en la matière).
  • Handicap18 : les entreprises d’au moins 20 salariés doivent compter 6 % de travailleurs handicapés ou appliquer un accord de branche ou de groupe prévoyant la mise en œuvre d’un programme en faveur des travailleurs handicapés ou verser une contribution annuelle à l’AGEFIPH.

Aux textes règlementaires s’ajoutent les initiatives de l’État et de divers organismes, à commencer par le Défenseur des droits, autorité indépendante dont l’une des missions est de protéger les personnes discriminées et de promouvoir leurs droits et libertés. Au-delà de ses grands pouvoirs d’enquêtes et d’un large éventail de solutions d’interventions, permettant de répondre aux réclamations qu’elle reçoit en matière de discrimination (4 800 en 2015), le Défenseur des droits développe des outils pratiques à destination du grand public et des entreprises.

D’autres grands types d’actions appparaissent :

  • la promotion de la diversité à l’embauche, via des campagnes de sensibilisation, de l’accompagnement à de meilleures pratiques de recrutement (par testing, notamment) et la promotion de méthodes de recrutement alternatives ;
  • la mise en place d’outils dédiés, comme ceux de Pôle emploi, mais aussi le Label Diversité en 2008 (voir focus) ou, dès 2004, la Charte de la diversité en entreprise, texte d’engagement moral créé à l’initiative d’une trentaine d’entreprises sous l’impulsion de Claude Bébéar et Yazid Sabeg, et aujourd’hui signé par 3 500 entreprises s’engageant à agir pour mieux refléter la diversité de la société française.

Focus sur le Label Diversité19 : faire de la diversité une réalité

Lancé en 2008 par l’Association nationale des DRH (ANDRH), le Label Diversité vise à donner aux entreprises les moyens de traiter l’ensemble des risques de discriminations. Cet outil de certification est fondé sur un cahier des charges recensant un ensemble de bonnes pratiques. L’obtention de ce label, remis par l’État, dépend justement du respect de ce cahier des charges incluant 6 volets :

  • connaître ses risques en matière de discriminations
  • mobiliser ses collaborateurs, les sensibiliser, les former et communiquer
  • maîtriser ses process de gestion des ressources humaines
  • s’intéresser à l’ancrage territorial
  • s’engager vis-à-vis de ses fournisseurs, ses clients, ses usagers
  • s’assurer de l’efficacité de ses actions

Ce label, qui devrait monter en charge rapidement en s’adressant notamment à davantage de petites entreprises, se veut un outil vivant, mis à jour en fonction des pratiques réelles en la matière. L’exigence et le coût d’entrée du dispositif en font un label requérant un investissement important, synonyme d’un engagement à long terme des employeurs qui y participent.

> En savoir plus sur le Label Diversité
 

Sources : 

(1) En particulier depuis 2004 et le lancement de Charte de la diversité en entreprise

(2) Définition du Centre des jeunes dirigeants d’entreprises (CJD), 2006, cité par Christine Naschberger, « La mise en œuvre d'une démarche "diversité en entreprise". Le cas de l'intégration des personnes en situation de handicap », Management & Avenir, 4/2008 (n° 18), p. 42-56. https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2008-4-page-42.htm

(3) Article 225-1 du code pénal et suivants (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=2EA8C87847C6FCD3FEF47F6BD8E70E16.tpdila13v_3?idSectionTA=LEGISCTA000006165298&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20160629)

(4) Éléments cités par l’Institut Montaigne, « Dix ans de politiques de diversité : quel bilan ? », septembre 2014, http://www.institutmontaigne.org/res/files/publications/rapport_politique%20de_diversité_institut_montaigne.pdf

(5) Représentations et pratiques de diversité dans les entreprises, Apec, décembre 2015 (https://jd.apec.fr/files/live/mounts/media/medias_delia/documents_a_telecharger/etudes_apec/Représentations%20et%20pratiques%20de%20diversité%20dans%20les%20entreprises.pdf)

(6) selon la même étude

(7) « L’apport économique des politiques de diversité à la performance de l’entreprise : le cas des jeunes diplômés d’origine étrangère », Conseil économique social et environnemental (CESE), septembre 2014, http://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Etudes/2014/2014_20_politique_diversite_performance_entreprise.pdf

(8) « Le coût économique des discriminations », France Stratégie, septembre 2016 (http://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/19-09-2016_fs_rapport_cout_economique_des_discriminations_final_web_0.pdf)

(9) Agir pour l'égalité d ans l'emploi - Les recommandations du Défenseur des droits aux grandes entreprises, Défenseur des droits, décembre 2015 (www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/ddd_guide_eval_web.pdf)

(10) IMS-Entreprendre pour la Cité, même source

(11)Défenseur des droits, même source

(12) Directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3Al33114

(13) Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32000L0078

(14) Les directives ont été transposées dans tous les États-membres : communiqué de la Commission Européenne, janvier 2014 (http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-27_fr.htm)

(15) Loi du 27 mai 2008 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000018877783)

(16) Décret du 7 juillet 2001 (application de l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010) (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024326618&categorieLien=id)

(17) Article 84 de la loi du 17 décembre 2008 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000019942966#LEGIARTI000019945502), articles L138-24 et 138-26 du Code de la sécurité sociale (https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006073189&idArticle=LEGIARTI000019953202&dateTexte=&categorieLien=cid et suivants)

(18) Loi du 11 février 2005 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000809647)

(19) Présentation du Label Diversité, Afnor (http://www.boutique-certification.afnor.org/certification/label-diversite)

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