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Sylvie Lewden, renforcement de l’accès aux droits et de l’inclusion sociale des biffins
Le mot « biffin » ne vous dit peut-être rien et pourtant une association se démène pour renforcer l’accès aux droits et l’inclusion sociale de cette population parisienne de la Porte Montmartre. Sylvie Lewden, chef du service Carré des biffins au sein de l’association Aurore, évoque son rôle ainsi que l’accompagnement de ces personnes en situation de grande pauvreté.
En quoi consiste ce projet dédié à l’accompagnement des biffins ? Comment a-t-il été mis en place ?
« Biffin » est un ancien terme d’argot pour définir les chiffonniers. C’est le terme qu’ont choisi les vendeurs à la sauvette historiques du quartier lorsqu’ils ont décidé de se mobiliser pour obtenir un espace rien qu’à eux. Cela fait 100 ans que cet endroit de la porte Montmartre à Paris est un espace de vente à la sauvette.
Dans les années 80, ils n’étaient que quelques dizaines et vivaient en harmonie avec le voisinage, mais dans les années 2000 leur nombre a explosé. Cela a provoqué des nuisances en termes de bruit et de sécurité pour les riverains, et généré de la répression. Les vendeurs à la sauvette se sont alors mobilisés pour obtenir un espace sécurisé, accepté par la mairie de Paris et du XVIIIème arrondissement, à condition qu’il y ait un travail social en parallèle.
C’est ainsi que l’association Aurore a débuté son accompagnement des biffins. Notre objectif est de leur permettre d’améliorer leur situation précaire et si possible de les sortir du dispositif et de les mener vers des activités plus rémunératrices et plus stables.
[Pour en savoir plus sur Aurore, rendez-vous sur le site de l'association.]
La première partie de notre action est la gestion du marché qui se déroule trois jours par semaine, les samedi, dimanche et lundi, sous le pont. Leurs ventes ne sont pas déclarées mais ils ont un rôle d’entrepreneurs puisqu’ils récupèrent des objets destinés à être jetés, ils les restaurent et les proposent à la vente. Nous avons établi également un travail d’accompagnement social, c’est le cœur de notre métier.
Comment vos missions s’articulent-t-elles ?
Au total, nous accompagnons 270 biffins qui sont autorisés à vendre sur le Carré. Bien sûr, il nous arrive d’aider leurs proches et leurs familles. Les critères d’adhésion au Carré des Biffins reposent essentiellement sur la situation financière et familiale des personnes et nous accompagnons en priorité celles en grande précarité. Nos problématiques sont diverses mais nous avons cinq sujets essentiels : l’accès aux droits, la santé, l’hébergement ou le logement, l’aspect financier et la gestion d’un budget et enfin l’aide juridique. Les travailleuses sociales du Carré interviennent en lien avec les acteurs de droit commun, notamment les référents RSA pour les personnes concernées, les assistants sociaux, ou encore avec les Centres d’action sociale de la ville de Paris par exemple.
Nous menons également un travail d’animation et d’intégration dans la vie du quartier pour que cet espace soit visible, qu’il ait un sens et qu’il soit valorisé. Nous avons mis en place des activités culturelles qui permettent de valoriser leurs compétences et de mettre en avant l’aspect d’économie circulaire du Carré des biffins. Nous organisons, par exemple, des Cafés Réparation en partenariat avec l’association locale l’Accorderie, qui permettent d’apprendre à réparer soi-même les objets usagés qui pourront ensuite être revendus.
Nous organisons également des ateliers de langue française qui sont plutôt des moments d’échanges et de conversations sur la vie de tous les jours. Ces discussions leurs permettent de trouver les mots juste pour prendre les transports, allez chez le médecin ou écrire un chèque. Notre objectif est qu’ils aient envie d’aller plus loin et de passer à l’écrit.
Dans le cadre du projet FSE, nous avons aussi mis en place des ateliers informatique. C’est un aspect de plus en plus important notamment pour les démarches de recherches d’emploi et d’accès aux droits. Mais aussi pour communiquer avec leur famille ! La plupart ne maitrise pas ou n’a pas d’ordinateur à disposition alors nous avons souhaité établir des ateliers hebdomadaires.
Qu’est ce que le soutien du FSE vous a apporté ?
Initialement, notre travail au sein du Carré des biffins était une expérience à modéliser afin d’apporter une autre réponse à la vente à la sauvette. Les réponses les plus classiques étant la répression et le travail social mais cela ne répond pas à leurs besoins de création de revenu… Il s’agit d’un problème très délicat à manier parce que la crainte principale est celle de l’appel d’air : si on installe un espace pour les vendeurs, on pourrait en attirer davantage.
L’objectif du carré est de proposer une nouvelle solution qui pourrait s’appliquer à d’autres métropoles de France ou d’ailleurs. C’est une véritable opportunité permise par le FSE[1] et son cofinancement, ainsi nous développons de nouvelles initiatives pour sortir les biffins de la précarité.
[1] Ce projet, soutenu par le Conseil régional d’Ile-de-France, a candidaté aux Trophées des initiatives FSE 2018.