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Rencontre avec Farbod Khansari, Délégué général du CFHE

24.07.2018 Rencontres FSE

« Ces vingt dernières années, on a pu constater le passage d’une approche médicale du handicap à une approche par les droits qui garantit l’inclusion ». Délégué général du Conseil Français des Personnes Handicapées pour les Questions Européennes (CFHE), Farbod Khansari est un expert des questions européennes et du handicap. Dans le cadre de ses missions, il contribue à faire l’interface entre le mouvement associatif français du handicap et les instances politiques nationales et européennes en favorisant la transmission d’études et de propositions et les échanges de bonnes pratiques.

Où en est-on en matière de droits des personnes en situation de handicap au niveau européen et international ?

Depuis 2010, la France est signataire de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH).  Selon cette Convention signée par plus de 170 nations, les Etats s'engagent à mettre en œuvre une politique inclusive dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’éducation... La Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées s’appuie sur cette Convention.

En novembre 2017, le socle européen des droits sociaux a été approuvé par le Parlement européen, le Conseil et la Commission lors du sommet social pour des emplois et une croissance équitables. Ce socle définit une vingtaine de priorités et d’objectifs, dont le 17ème concerne le droit des personnes handicapées.

La prise en compte du handicap dans les politiques a-t-elle évolué ?

Ces vingt dernières années, on a pu constater, d’abord à l’échelle internationale et communautaire, le passage d’une approche médicale du handicap à une approche par les droits qui garantit l’inclusion. Ce mouvement a contribué à faire du handicap une priorité transversale dans les programmes opérationnels, ce qui est un progrès.

Il n’en demeure pas moins qu’on dispose d’une faible visibilité de la prise en compte du handicap dans la mise en œuvre des programmes. Il n’a en effet pas été prévu d’évaluation ex-ante ni d’indicateur de suivi. La seule donnée dont on dispose révèle qu’environ 6 % des participants aux projets cofinancés par le FSE sont des personnes en situation de handicap, sans que l’on puisse savoir sur quel axe d’intervention ou type de projet.

Cette visibilité insuffisante du handicap se retrouve au niveau régional : aujourd’hui, personne n’est en capacité de recenser les lignes budgétaires mobilisables dans les programmes régionaux FEDER-FSE pour faire des comparaisons avec ce qui figure dans le programme national.

Quelles sont les avancées et les points de blocage ?

Une limite porte sur le décalage qu’il peut y avoir entre les types d’actions éligibles au niveau national et la connaissance des dispositions de la CDPH. Dans certains pays de l’UE, il existe des lignes FSE réservées à la promotion et à la valorisation de cette Convention auprès des personnes en situation de handicap. En France, aucune ligne n’est dédiée, ce qui peut poser question sur l’accès aux droits et les possibilités offertes aux personnes pour réellement s’approprier la Convention et faire évoluer la législation.

La faible connaissance du FSE par les associations de terrain et leur difficulté à s’en saisir constituent également un frein important. Si le peu de projets cofinancés démontrent une réelle qualité, ces derniers sont souvent portés par des associations têtes de réseaux aguerries à la gestion des fonds européens. Conséquence : il existe un nombre important de projets « dormants » issus des associations de terrain, qui n’osent pas franchir le pas du FSE par manque d’information, d’expertise et de moyens.

Comment surmonter ces blocages ?

Il y’a d’abord un travail d’information, de communication, d’accompagnement de proximité, d’outillage et de formation à réaliser afin que davantage d’associations puissent prétendre à du cofinancement. On pourrait imaginer recourir aux crédits d’assistance technique, mobilisés par la DGEFP pour organiser des séminaires, formations, ateliers et ainsi favoriser l’accès au FSE à destination du mouvement associatif du handicap.

Une autre piste serait d’améliorer la connaissance par les services déconcentrés de l’Etat des dispositifs mobilisables sur le handicap en dehors de ceux qu’ils déploient déjà pour élargir les opportunités de cofinancement.

Comment faire évoluer les pratiques ?

Au niveau national, dans la perspective de la prochaine programmation, il faudrait associer très tôt les acteurs du handicap dans l’élaboration du cadre de référence et au sein de l’instance nationale de coordination le cas échéant.

Au niveau régional, ils devraient être inclus dans les comités de programmation et les comités de suivi, dans lesquels il n’y a quasiment pas d’association représentative des personnes handicapées.

Quelles seront les prochaines actions du CFHE sur ce thème ?

Le CFHE va porter la voix des personnes handicapées auprès du Forum Européen des Personnes Handicapées, qui est un interlocuteur privilégié de la Commission, afin de promouvoir une meilleure prise en compte du handicap dans la prochaine programmation.

En France, le CFHE continuera les échanges et les démarches de co-construction pour accompagner le CGET, la DGEFP, les Régions de France, sur la programmation et la mise en œuvre.

Sur l’approche technique, le CFHE espère bénéficier de l’appui des services de l’Etat en matière d’outils et de communications à relayer sur le terrain pour que les associations membres utilisent mieux les fonds européens.

En quoi le FSE pourrait-il contribuer à mieux traiter la question du handicap ?

Le FSE pourrait amener de la cohérence, de l’homogénéité et de la continuité dans les politiques en vue d’aboutir à une Europe sociale et solidaire. Les règlements posent déjà un cadre harmonieux en la matière mais toute la difficulté réside encore dans la mise en œuvre des programmes.

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Le Conseil Français des Personnes Handicapées pour les Questions Européennes (CFHE) a été fondé en 1993, répondant à une demande de la Commission européenne, désirant collaborer avec des interlocuteurs qualifiés sur la thématique du droit des personnes handicapées dans les États- membres.

Initiative portée au début par 8 associations de personnes handicapées et de familles (APAJH, APF France handicap, CFPSAA, FNATH, GIHP, UNAFAM, UNAPEI, UNISDA) couvrant les différentes formes de handicap, le CFHE regroupe aujourd’hui une quarantaine d’associations nationales qui sont rassemblées. La qualité de cette implantation permet au CFHE de réellement « agir sur l’Europe et agir à partir de l’Europe ».

Comme une courroie de transmission, le CFHE, à travers le Forum Européen des Personnes Handicapées (FEPH), fait remonter aux ONG et aux instances Européennes (Parlement européen, Commission européenne, Conseil de l’Union européenne) des études, des propositions, des exemples de bonnes pratiques. En retour, le CFHE agit tant auprès des instances politiques et administratives françaises qu’auprès de nos associations, pour que les législations communautaires et les bonnes pratiques relevées chez nos collègues de l’UE soient effectivement transposées dans nos législations nationales et réellement appliquées.

Le CHFE assure une concertation régulière avec les Conseils nationaux des 28 États membres.

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Le Fonds Social Européen a récemment produit une note d’analyse de la prise en compte des personnes en situation de handicap dans les programmes opérationnels nationaux (POn) FSE et IEJ. Téléchargez ici l'étude intégrale ainsi que la synthèse de l'étude.

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