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Interview - Maud Sarda, cofondatrice et directrice du site de e-commerce solidaire Label Emmaüs
Née en 2016, la boutique en ligne Label Emmaüs propose un nouvel espace pour l’achat d’occasion solidaire et forme les compagnons Emmaüs et des personnes en insertion aux métiers du e-commerce. Maud Sarda, ancienne consultante chez Accenture a rejoint Emmaüs France en 2010. À l’origine de cette initiative et directrice du Label, elle revient sur ce projet, cofinancé par le FSE.
Comment est né ce nouveau projet ?
Nous sommes trois cofondateurs issus d’Emmaüs France à avoir eu cette idée d’alternative aux sites de vente traditionnels. Emmaüs avait déjà 450 points de vente en France mais aucun en ligne. En décembre 2016 nous avons lancé le site Label Emmaüs, une « Marketplace » digitale mais surtout sociale ! L’objectif : créer une boutique en ligne solidaire favorisant le développement de nouvelles compétences et une formation aux métiers du e-commerce pour des personnes en situation d’exclusion.
Comment fonctionne Label Emmaüs ?
C’est une plateforme web « tiers de confiance » entre les acheteurs et les vendeurs. La plateforme numérique mutualise les produits mais laisse une grande autonomie aux structures sur le terrain : le choix des produits, la création des annonces, les expéditions sont effectués par les structures locales Emmaüs ou d’autres structures de l’Economie sociale et solidaire et en priorité par les compagnons Emmaüs.
L’équipe se compose de 25 personnes, dont la moitié gère la Marketplace (développement informatique, web marketing, service client, formation et accompagnement des vendeurs…) et l’autre moitié travaille dans notre entrepôt logistique avec huit personnes en parcours d’insertion depuis 2018 comme opérateurs e-commerce.
Quel est le modèle économique de ce site web alternatif ?
Label Emmaüs récupère une commission de 10% sur chaque transaction. Les acheteurs peuvent également s’engager via un micro-don au moment de leur achat. Nous avons aussi ouvert notre capital au grand public : notre coopérative réunit aujourd’hui 400 sociétaires, représentant toutes les parties prenantes du projet : les structures locales Emmaüs, les salariés du Label Emmaüs mais aussi nos partenaires privés ou publics. Nous bénéficions également de subventions publiques et privées et de financements européens : 33 000 euros du Feder sur du développement numérique et la refonte des outils numériques et 15 000 euros du FSE pour les postes en insertion.
Trois ans après le lancement de Label Emmaüs, pouvez-vous nous dresser son bilan ?
Lorsque nous nous sommes lancés, nous partions de zéro. Nous n’avions jamais fait de vente en ligne. Aujourd’hui, 150 000 personnes chinent chaque mois sur le site, dans un catalogue de plus de 540 000 produits. Neuf clients sur dix recommandent le Label à leur entourage, avec moins de 3% des colis faisant l’objet d’un retour. Notre Label favorise aussi et surtout la motivation et la montée en compétences des personnes accueillies par Emmaüs. Il faut être rigoureux dans la traçabilité des produits (chaque produit possède un code unique), être précis dans leur descriptif en ligne... Une première évaluation a montré, après seulement quelques mois, un impact social notable en termes d’épanouissement et de polyvalence des personnes accompagnées.
2019 marque le lancement d’un nouveau projet pour Label Emmaüs : l’école de la deuxième chance…
Nous allons accueillir une promotion d’une quinzaine d’apprenants pour une formation gratuite de trois mois qui commencera le 23 septembre 2019, suivie de deux mois de stage. Cette formation certifiante s’adresse à des personnes éloignées de l’emploi et permettra aux participants d’obtenir un diplôme de « responsable e-commerce » et d’acquérir de nouvelles compétences logistiques, numériques, graphiques, de référencement en ligne...
Nous bénéficions du soutien de la Grande École du Numérique et de la Fondation de France et nous avons noué des partenariats avec plusieurs e-commerçants, comme Showroomprivé.com ou Manomano, qui accueilleront des stagiaires dès janvier 2020. Nous avons également lancé une campagne de financement participatif pour prendre en charge une partie des frais des participants, notamment ceux éloignés géographiquement.
Avez-vous rencontré des difficultés au cours de ces trois années ?
Label Emmaüs est un véritable projet de transformation numérique. Il a fallu convaincre et prendre du temps pour expliquer que personne n’allait perdre son image dans cette nouvelle aventure. Très peu de structures étaient prêtes à se lancer dans ce marché fortement concurrentiel. Nous avons débuté avec une vingtaine de structures pilotes. Aujourd’hui, 70 structures de l’Economie Sociale et solidaire vendent sur Label Emmaüs. Les financements européens sont complexes mais ils nous aident à consolider notre activité. Nous avons de très beaux résultats d’activité mais cela reste encore naissant et exploratoire. Nous avons été très bien accompagnés par le PLIE d’Est Ensemble dans la constitution de notre dossier FSE.
Quels sont les prochains défis à relever pour Label Emmaüs ?
Changer d’échelle est l’un de nos principaux défis. Nous doublons chaque année notre volume d’activité pour rentabiliser notre modèle. Pour cela, il nous faudra attirer de nouveaux vendeurs et acheteurs et continuer d’élargir notre catalogue de produits. Nous souhaitons également créer un véritable écosystème d’acteurs dans le secteur du e-commerce pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes éloignées de l’emploi.